L’enfant, sa maison, son jardin

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Date de publication

mercredi 30 novembre, 2005

Ressource

Marguerite Doray

Réflexion sur le développement des sens pendant l’enfance

 

Tout neuf, tout pur, l’enfant nouveau-né porte en lui le miracle de la vie, l’espoir. D’où vient-il ?

Où va-t-il ?… Mystère. Mystère qui cherchera à se dévoiler pendant toute une vie…

Aujourd’hui, l’enfant est là, avec nous.

Terre, eau, air, lumière, chaleur, voilà sa maison.

Famille, village, pays, planète, voilà son jardin.

Il voudra bien explorer sa maison, comprendre ses principes, ses lois pour s’y abriter et s’y épanouir. Alors il pourra travailler dans son jardin avec toute sa force, sa créativité et son amour dans sa famille, son village, son pays, sa planète. Comme le chêne vit déjà dans le gland, tous ces projets vivent dans ce petit être naissant.

 

Nous sommes là, devant sa fragilité; il a besoin de notre amour pour manger, boire, se vêtir. Il a aussi besoin de nous, dès maintenant, pour amorcer l’accomplissement de son projet, de son destin.

 

Comment l’aider à faire ses premiers pas dans la connaissance de sa maison faite de terre, d’eau, d’air, de lumière et de chaleur ? Comment lui permettre de préparer son plan de jardin pour le réaliser, le moment venu, avec ses forces personnelles, l’aide de sa communauté et la bienveillante sagesse de l’univers?

 

Les sens de l’homme sont des clés qui permettent d’entrer dans notre maison terrestre. Nous avons naturellement tendance à soigner le sens du toucher de l’enfant en choisissant pour lui les finettes de coton les plus douces ou les lainages les plus soyeux ou les soies les plus fines pour sa tendre peau toute neuve. Nous pouvons ressentir sa rencontre avec la nature matérielle des choses et nous voulons que cette rencontre soit douce, sans agressivité.

 

Le sens de l’ouie, à notre époque, ne jouit pas de la même tendance naturelle à être protégé. Le sens de l’ouie nous permet d’entrer dans un rapport très étroit avec la nature intime des objets et des êtres : les yeux fermés, je sais si c’est du bois, du verre ou du métal qui est frappé pour résonner; je peux distinguer les essences des différents bois à leur son ou de différents métaux; je peux savoir si un pot est fêlé ou pas. Or nous sommes trop souvent victimes d’illusions dans notre univers sonore.

 

Croire que c’est une voix humaine ou un instrument de musique que l’enfant entend dans un appareil magnétophone ou un téléviseur est une illusion. L’enfant perçoit le son codé et fabriqué mécaniquement par l’appareil électrique. C’est cela la véritable expérience sensorielle de l’enfant. Il a l’expérience d’une machine, d’un rythme mécanique produit électriquement. Même si les images télévisées ou les jouets à pile varient de formes ou d’aspects au possible, l’expérience sensorielle demeure unique; le son mécaniquement produit. De même, le coquillage de plastique qui tombe ne révèle rien de la nature interne du coquillage. La palette sonore de l’enfant reste monochrome.

 

Quelques verres identiques remplis d’eau à différents niveaux que l’on frappe avec une baguette de bois pour faire de la musique le touchera plus intimement, plus profondément qu’une symphonie même grandiose entendue à la radio.

 

Le sens du toucher est soigné dans les premiers jours de l’enfant mais ce sens aussi peut être victime d’illusion. Si nous donnons cinquante jouets de plastique à l’enfant, son expérience tactile est toujours celle du plastique et la palette tactile de l’enfant demeure aussi monochrome.

 

Le sens de la vue mérite aussi notre vigilance. L’enfant travaille avec vigueur à conquérir sa vision en foyer. Or l’écran cathodique, composé d’une infinité de points isolés les unes des autres, contribue à défocaliser la vision de l’enfant. D’ailleurs la défocalisation est un des moyens employés pour plonger une personne en état d’hypnose, ce qui se produit chez l’enfant devant le téléviseur.

 

Le goût et l’odorat peuvent aussi être trompés par les saveurs et arômes artificiels ou par les ajouts de sucre dans tout, c’est bien connu maintenant.

Si nous donnons à l’enfant un vrai coquillage, des jouets en bois, en laine ou en coton, des noix en écailles, des cailloux, des clochettes en cuivre; si nous cuisions avec lui en lui offrant la vraie saveur des carottes, des haricots, de la bonne farine, alors, nous varions sa palette sensorielle dans un registre qui touche de près la vie, un registre qui appartient à sa vraie maison. Si nous lui permettons de jouer librement, animé par son imagination et son pouvoir d’imitation, nous lui permettons d’élaborer son plan de jardin qu’il réalisera plus tard.

 

Si l’enfant ne connaît pas sa maison faite de terre, d’eau, d’air, de lumière et de chaleur, comment pourra-t-il la soigner pour qu’elle accomplisse sa fonction de « protectrice de la vie »? Comment pourra-t-il travailler dans son jardin, s’il n’a pas la vraie connaissance et la sécurité de son logis pour y trouver la force et le repos ?

 

La connaissance de sa maison, le travail dans son jardin, ce sont là les outils que son éducation lui aura donné pour dévoiler l’énigme de sa vie, son « D’où je viens », « Où je vais » et son « Qui je suis »

 

Marguerite Doray a dédié une grande partie de sa vie à l’enseignement; du jardin d’enfants jusqu’au Secondaire II à l’école Rudolf Steiner de Montréal. Elle est maintenant propriétaire de la boutique-atelier La grande Ourse, jouets pour la vie. Vous pouvez la joindre au (514) 847-1207