Introduire le végétarisme en famille sans se casser la noix…

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Date de publication

dimanche 09 juin, 2013

 

L’année 2012 a été une année de changements pour moi (ceux qui me connaissent me disent que c’est toujours le cas, d’une année à l’autre, mais qu’à cela ne tienne !). En outre, mon conjoint s’est fait un plaisir devoir de me pousser dans le derrière pour que j’établisse certains changements dans ma vie familiale. Il m’a incitée à prendre les repas familiaux à table plutôt que devant la télévision, à faire un meilleur suivi des tâches scolaires de mes filles, à mieux gérer les conflits dans la fratrie, en plus de m’encourager à manger un tas de légumes (!!!), ce qui était, je l’avoue, une denrée pratiquement inexistante chez moi (si on exclut ma dose quotidienne de chips qui, après tout, proviennent des pommes de terre).

 

Un beau soir de janvier 2013, les cheveux dans le vent de ces changements, la broue dans le toupet, je me suis installée devant la télévision pour une séance bien méritée de relaxation. Curieuse, j’ai proposé à mon chum d’écouter le documentaire « La face cachée de la viande ». En fait, je n’avais aucune idée de ce que j’allais écouter, d’autant plus que c’est Maman Dion qui apparaissait dans l’écran résumé de l’émission. À cette vue, mon compagnon semblait peu convaincu de ma proposition : « allez, quelques instants seulement, le temps que tu finisses de répondre à tes courriels… » Finalement, ces quelques minutes ont duré une heure, m’exposant la cruauté dont l’industrie fait preuve face aux animaux d’élevage et le coût environnemental de ces pratiques, mais me démontrant aussi qu’un autre type d’alimentation peut s’avérer meilleur pour la santé… J’ai fermé la télévision en prenant une résolution : pour un mois, j’allais essayer le piscivégétarisme, c’est-à-dire une alimentation sans aucune viande, sauf le poisson… Pour une fille qui n’aime guère cuisiner (et encore moins faire l’épicerie) et dont les trois enfants n’arrivent pratiquement jamais à un consensus au plan alimentaire, ça représentait tout un défi ! La bonne nouvelle, toutefois, c’est que c’est possible ! Voyez comment, à petits pas, j’y suis arrivée pour de bon…

 

Étape 1— un défi, mais pas une religion :

établir ma bible du végétarisme

En prenant cette décision alimentaire, je me suis d’abord fait une promesse solennelle : je n’allais pas verser dans l’obsession ou la rigidité. J’étais bien consciente que mon choix est personnel et je n’avais pas l’intention d’imposer mes habitudes aux autres. Ainsi, sous mon toit, la viande allait disparaître, mais je n’obligerais personne à cuisiner végé si j’étais reçue chez eux. Aussi, j’ai décidé de ne pas m’imposer de règles trop strictes. Si jamais l’occasion de manger du poulet ou du porc au restaurant se présentait, je verrais. Le bœuf, toutefois, je l’éliminais d’office, n’étant déjà pas une amatrice depuis que je sais à quel point l’élevage de cet animal s’avère néfaste pour l’environnement. Et les produits laitiers ? Dans la mesure du possible, je voulais diminuer graduellement le lait et le fromage puisque mes filles en sont de grandes amatrices. Mes principes de base clarifiés, je passais à la seconde étape.

 

Étape 2 — la préparation

Dans un esprit de cohérence avec ma décision, je suis allée faire une razzia dans mon congélateur. L’écureuil en moi avait accumulé une bonne quantité de viande, que j’ai décidé de donner sans attendre à mon ex-mari et à mon conjoint, puisque ces derniers demeurent carnivores. Ce simple geste a concrétisé mon engagement. C’était le signal du départ. Une visite au supermarché a complété la transformation : je me suis procuré une plus grande variété de poissons, de noix et de légumineuses, en plus de faire des stocks de quinoa, de tofu et de lait de soya et d’amande.

 

J’étais comme Jean Charest en 2003 : prête ! Cela dit, j’espérais tenir mes promesses. Passant outre mes doutes (est-ce que les enfants allaient organiser une rébellion en me lançant du tofu au visage ?), éludant les questions ridicules (penses-tu que tu vas péter plus étant donné que tu mangeras beaucoup de légumineuses ?), j’étais mûre pour le changement.

 

Étape 3 — la mise en pratique

Pour un début sans complications, j’ai d’abord donné des sobriquets attrayants aux les incontournables végétariens familiaux, dont nos fameux « petits cubes de Chine », qui ne sont en réalité que des cubes de tofu mariné à l’aide de tout ce qui peut me tomber sous la main. Cela dit, il me semblait impératif d’élargir un peu mes horizons. J’ai donc opté pour quelques potages à base de légumineuses ou de légumes, en vertu de la facilité de réalisation. Aussi, j’ai adapté quelques recettes gagnantes comme le pâté chinois pour le transformer en pâté chinois au tofu. Le matin où j’ai glissé cette nouvelle mixture dans le thermos de mes filles, j’étais bien curieuse (pour ne pas dire apeurée). À leur retour à la maison, j’ai constaté avec bonheur que les thermos étaient vides. Comme mes enfants ont l’habitude de me les ramener pleins lorsqu’elles n’aiment pas leur lunch, il ne faisait pas de doute que cela avait été apprécié. Autres repas dont tout le monde raffole : les hamburgers au poisson, le pâté au saumon fait maison à la mijoteuse, les hot-dogs avec saucisse de tofu ou la lasagne végétarienne.

 

En fait, je ne me suis pas cassé la tête : la simplicité était et demeure ma principale ligne directrice. Les recettes que j’effectue demeurent faciles à concocter, à l’aide d’ingrédients accessibles, et nous mangeons souvent du poisson. J’ai diminué sensiblement le fromage et le lait de vache, sans éprouver la certitude que j’arriverai à les éliminer, bien que ce soit déjà le cas lorsque je suis seule. En effet, l’introduction du lait de soya et d’amande n’a guère été couronnée de succès. Je suis la seule qui s’en délecte, surtout le matin en déjeunant (le lait de soya à saveur de cappuccino est délicieux), mais j’ai diminué la quantité de lait de vache et j’offre davantage d’eau à mes filles. Le quinoa a suscité des réserves : je le mélange donc avec le riz. Avec le temps, la proportion de quinoa augmentera : ce n’est pas une course.

 

Étape 4 — les premiers résultats

À mon grand étonnement, les réactions de mes filles et même de mon conjoint et de son fils ont été plus positives que je ne l’aurais cru. Ma petite famille ne s’insurge ni plus ni moins qu’avant contre les repas. S’il est difficile de plaire simultanément à quatre à six personnes, je réalise qu’on peut contourner les plaintes en offrant davantage d’accompagnements. Ainsi, les salades et les crudités prennent maintenant une place prépondérante à table, sans limites, et manger est devenu encore plus agréable qu’avant.

 

Quels sont les effets de cette nouvelle alimentation ? Difficile à affirmer hors de tout doute, mais le fait est que depuis mon introduction au piscivégétarisme, j’ai énormément travaillé. Si le piscivégétarisme n’a rien à voir avec la création d’emploi, il semble réussir à maintenir chez moi une énergie constante et élevée (tout en dormant 7 à 8 heures par nuit, pas plus). J’ai même réussi à maîtriser mes émotions comme jamais (mon article sur la colère du mois dernier y est peut-être aussi pour quelque chose, en plus de la dose plus élevée d’oméga-3 que j’ai dû prendre en vertu de mes nouvelles habitudes alimentaires). Mon épicerie ne me coûte pas plus cher (sinon moins) et mes assiettes apparaissent plus colorées qu’auparavant.

 

Bref, j’en retire beaucoup de bénéfices et je ne regrette nullement mon choix. J’ai fait des changements relativement rapides sans toutefois exercer de pression excessive sur moi-même ou ma famille. Faire un virage constant et en douceur et non un brusque 180 degrés, là est probablement la clé du succès. Envie d’essayer ?

 

Anik Routhier,
Enseignante et gourmande… ;-)
www.croissance-personnelle.com