La colère, pour petits ou grands ?

Retour aux articles

Date de publication

vendredi 19 avril, 2013

Ressource

Anik Routhier

« Il ne faut pas se mettre en colère contre les choses : cela ne leur fait absolument rien. » Madame de Staël

« Rester en colère, c'est comme saisir un charbon ardent avec l'intentionde le jeter sur quelqu'un ; c'est vous qui vous brûlez. »

Bouddha

 

Anik Routhier,
Enseignante et hypnothérapeute

Qui n’a jamais entendu parler des légendaires crises de colère du Terrible Two ? Ou des frustrations du Fucking four ? Qu’ils aient deux, quatre, sept ou quatorze ans, nos enfants éprouvent leur lot d’agressivité et leur comportement n’apparaît pas toujours irréprochable. Cela dit, celui des parents non plus ! Devant l’indiscipline des enfants, leur refus de collaborer ou leurs doléances répétitives (chez moi, on se spécialise particulièrement dans les : « beurk, je n’aime pas le repas ! » ou encore « j’ai oublié mes cahiers de devoirs à l’école ! »), demeurer calme relève souvent de l’exploit.

 

Quand vous sentez que la fumée va vous sortir du nez – ou même de certains autres orifices tellement vous n’en pouvez plus –, comment arriver à contrôler votre colère tout en faisant comprendre votre message ? Bon, ne croyez pas que j’ai la solution miracle : si c’était le cas, je ne serais jamais en pétard et je dégagerais une paix intérieure si incroyable que même Gandhi en aurait été malade de jalousie.

 

Cela dit, quelques éléments de réflexion et diverses astuces simples à pratiquer (en théorie, du moins) peuvent vous aider à cheminer vers une certaine sérénité sans user de substances illicites ;-). Prêt à mettre votre colère K.O. ? C’est le temps de faire descendre la vapeur !

 

LA COLÈRE, QUE DIT-ELLE ?

Émotion primaire, la colère a sa raison d’être… Moyen de défense et de survie, elle constitue une pulsion vitale. Cependant, dans un contexte familial, l’exprimer à outrance n’est pas une solution gagnante, d’autant plus que les comportements inadéquats de nos enfants ne nuisent en rien à notre survie, bien qu’ils viennent assurément réduire en miettes le bien-être et la tranquillité auxquels on aspire.

 

En fait, c’est probablement plus de cela que nous parlent nos colères : ce n’est pas tant le comportement de l’enfant qui nous met en rogne, mais l’effet qu’il provoque sur notre niveau de quiétude. Que tient-on à extérioriser à travers notre fureur ? En quoi réside le réel message, la réelle frustration ?

 

Les colères expriment souvent ceci : « tu n’es pas comme je voudrais ! ». Toutefois, elles peuvent aussi n’être que l’expression d’un trop-plein de stress ; et voilà que le comportement de notre enfant devient la goutte qui fait déborder le vase, ou pire, la masse d’eau qui fait déferler le tsunami. En effet, soumis aux pressions constantes de la vie, à un horaire chargé, à une liste de tâches qui n’en finit plus d’allonger, à des problèmes de boulot ou de finances, à une coupe de cheveux ratée ou au fait qu’il n’y a plus de chocolat dans l’armoire alors que vous avez une rage de sucre, il est très probable que le simple fait que votre enfant refuse de mettre son habit de neige puisse vous faire disjoncter.

 

Et hop, un sermon agressif qui n’en finit plus ! La colère, même si elle libère une certaine énergie et peut pousser à l’action, met la plupart du temps les relations en danger et peut générer de graves conséquences à court et à long terme… Puisque nos enfants n’ont nullement la latitude de nous quitter, ils se transforment souvent en cibles de choix pour cracher un venin qu’on n’oserait jamais formuler à d’autres personnes…

 

OBSERVER SA COLÈRE ET SES CAUSES

La première astuce pour combattre la colère est de se demander quand et pourquoi elle surgit. Si des situations ou moments spécifiques s’avèrent généralement à la base de vos montées de lait, plutôt que de tenter d’y réagir calmement, pourquoi ne pas analyser s’il est possible de changer ces éléments à la base afin qu’ils ne constituent plus des irritants ?

 

Je suis une adepte du sommeil et une fervente utilisatrice du bouton « snooze ». Comme le concept de grasse matinée a perdu beaucoup de son sens depuis que je suis mère (ces matinées ayant subi un régime minceur des plus radicals !), j’avais tendance à dérober le plus grand nombre de minutes possibles au lit, les matins d’école. En fait, je réveillais ma marmaille selon un savant calcul de paresseuse : si s’habiller, déjeuner, peigner les crinières récalcitrantes, préparer les lunchs, enfiler les manteaux et installer mes princesses dans mon carrosse à moteur exigeait 60 minutes, je poussais mes rejetons du lit exactement 60 minutes avant l’heure du départ. Or, si dans un monde parfait, tout se passe de manière optimale, dans la vraie vie, les enfants ne collaborent pas toujours à la vitesse souhaitée. Ainsi, plusieurs fois par semaine, le départ devenait un calvaire, puisque nous avions pris du retard sur l’horaire fixé.

 

Après avoir gaspillé en vain mon énergie à « presser » davantage mon trio, j’ai un jour sagement décidé de mettre une croix sur 30 minutes de sommeil, et de déplacer l’heure du lever plus tôt. Depuis, je dispose d’une belle latitude de « non-efficacité » et je tolère mieux les petits délais, puisqu’ils ne s’avèrent jamais dangereux.

 

COMMUNIQUER SA COLÈRE : ATTENTION AUX « MAUX »

La colère est mauvaise conseillère quand il s’agit de choisir ses mots. Souvent, ceux-ci dépassent notre pensée et peuvent blesser nos enfants, voire même les influencer en leur faisant développer des croyances négatives qui les poursuivront des années durant. L’idéal demeure de s’exprimer à l’aide de faits (ex. : « tu n’as pas fait le ménage de ta chambre depuis trois semaines » plutôt que « tu es un sale paresseux qui vit dans une soue à cochons ») et de dire ce que l’on souhaite, ce qui n’est pas si évident sous l’emprise de la colère. La soupape doit libérer les émotions.

 

Dans le cas où votre envie de crier semble irrépressible, l’utilisation du charabia peut s’avérer une solution intéressante. Le charabia ? En fait, vous pourriez appeler cela « la langue extraterrestre », car il s’agit d’utiliser le même ton et les mêmes gestes et expressions faciles que lorsque vous verbalisez votre colère, mais en utilisant des mots qui n’existent pas : « Ich ni ad to ni yaaaa spa ouiti bli bli !!!! » L’avantage de cette technique réside dans le fait de sortir le méchant tout en évitant de véhiculer des messages néfastes pouvant altérer l’image de soi de votre enfant. De plus, la méthode s’avère tellement ridicule qu’elle se termine souvent en un incontrôlable fou rire qui désamorce la colère de chacun. Évidemment, à l’épicerie ou au magasin, vous passerez pour un demeuré, mais à la maison, cette stratégie apparaît appropriée.

 

Évidemment, vous pouvez aussi extérioriser vos émotions. Il m’arrive souvent d’appeler une bonne copine en lui demandant tout simplement de m’écouter pendant 2-3 minutes. Pouvoir objectiver ce qui me trouble me fait du bien et m’aide à me calmer. Parfois, j’explique aussi aux enfants la vraie raison de ma colère. Par exemple, lorsque je suis particulièrement fatiguée ou stressée, j’ai tendance à m’emporter pour un oui ou un non; je m’en excuse, puisque ma colère n’est pas appropriée. Sinon, l’écriture peut aussi désamorcer les frustrations.

 

Finalement, la technique du « mot-colère » peut s’avérer pratique. En famille, choisissez simplement un mot banal ou drôle (ex. : ratatouille). Lorsque vous serez hors de vous, vos enfants pourront vous le dire, tout bonnement : « Ratatouille, maman ! » Et voilà qu’on vient de vous lancer le message que vous dépassez les bornes. Cette prise de conscience peut désamorcer la colère, autant pour le parent que pour l’enfant, car tous les membres de la famille ont le loisir de l’utiliser.

 

QUAND LA COLÈRE PASSE PAR LE CORPS

Si vous n’êtes pas du genre verbomoteur, vous pouvez plutôt mettre à profit les gestes. Certains vous permettront de vous défouler le temps de faire diminuer ou passer l’agressivité. Par exemple, prendre une pause jardinage pour bêcher allégrement dans vos plates-bandes et faire la peau à vos mauvaises herbes pourra vous apaiser… En hiver, n’hésitez pas à aller pelleter. D’une manière ou d’une autre, le grand air s’avère souvent salutaire. Sinon, vous pourriez aussi utiliser le sport. En plus de permettre la sécrétion d’endorphines, le jogging ou les pompes vous sculpteront un corps de rêve qui pourrait vous rendre de meilleure humeur… ;-)

 

SE CALMER, AVANT TOUT SIMPLEMENT

Il va sans dire que, quelles que soient les techniques préconisées, l’objectif demeure le retour au calme. Le simple fait de prendre quelques bonnes respirations peut dépanner. Vous pourriez aussi compter jusqu’à 10 (ou plus, selon l’étendue de la gaffe de votre enfant) ou même vous retirer dans votre propre coin colère… Prendre un temps d’arrêt pour se tremper dans un bon bain chaud ou pour écouter sa chanson préférée peut alors devenir une méthode efficace, pour autant qu’on dispose d’un peu de temps devant soi.

 

Sinon, la cohérence cardiaque, un exercice de respiration où les inspirations et expirations s’échelonnent à des intervalles de cinq secondes, agit sur le contrôle des émotions tout en calmant. En tapant « cohérence cardiaque » sur You Tube, vous trouverez des vidéos de cinq minutes qui guident votre respiration. Vous pouvez même télécharger des applications gratuites ou très abordables à installer sur votre téléphone intelligent, afin de respirer où bon vous semble.

 

UNE ÉTERNELLE BATAILLE…

Les occasions de péter les plombs ponctueront toujours le quotidien des parents. Même si ce sont toujours nos perceptions des situations qui causent réellement notre hargne, ne pas se laisser gagner par la colère demeure un défi à relever encore et encore, que ce soit en verbalisant, en gesticulant ou en trouvant des moyens de se calmer autrement… La prochaine fois que vous grimperez aux rideaux, quel sera votre plan de match ?