Prendre un envol différent comme parent Comment changer « d’altitude »

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Date de publication

mercredi 12 mai, 2021

Ressource

Anik Routhier

Êtes-vous déjà monté en montgolfière ? Moi, non. Je n’avais d’ailleurs aucune idée des manœuvres requises pour arriver à diriger un tel ballon. Or, en lisant le livre Changer d’altitude[1], j'ai découvert que la vie, c’est comme une balade en montgolfière. Pourquoi ? Dans une montgolfière, on ne choisit pas la force des vents qui soufflent, ni leur direction. On demeure donc à la merci de ce qui se passe. Cela dit, il existe une manière de corriger notre trajectoire : se défaire du poids (p. ex. : lâcher des poches de sable ou même le contenu de la nacelle) pour changer d’altitude, car les vents ne sont pas les mêmes selon que l’on monte ou que l’on descend.

Cette métaphore ressemble à la vie, car rien ne sert de se battre contre les événements ou les gens qui nous entourent (représentés par le vent), puisqu’on ne les contrôle pas (même si l’on préfère croire le contraire). Il vaut mieux changer d’attitude (en parallèle avec l’altitude), pour percevoir les aléas du quotidien autrement. Or, on peut y arriver avec succès, dans la vie comme dans les airs, en lâchant du lest et en se débarrassant du poids que sont nos croyances, principes, fausses obligations, règles et j’en passe... 

Jetons un œil à ce qui pourrait vous amener à changer d’altitude et à transformer votre destinée personnelle et familiale en une aventure à savourer, et non en voie pénible à parcourir. 


SE BATTRE CONTRE LE VENT : LE CONTRÔLE EST-IL UN LEURRE ? 

Essayer de modifier la trajectoire ou la force du vent semble bien ridicule. En effet, même si vous dansiez en tournant sur vous-même, la brise ne changerait pas. Pourtant, dans la vie, nous essayons bien souvent de faire changer la direction des « vents du quotidien » : 

-   nous voudrions que notre conjoint s’organise comme nous et fasse les tâches à notre manière, au moment que l’on juge opportun par-dessus le marché ;

-   nous voudrions que nos enfants bougent ou jouent dehors, alors qu’ils préfèrent pratiquer le hockey sur leur tablette ;

-   nous voudrions que notre belle-mère cesse de nous donner des conseils non sollicités sur la manière d’élever les enfants, mais elle persiste à croire qu’elle est à l’éducation des enfants ce que        Ricardo est à la cuisine ;

-   nous voudrions que notre corps s’inspire de la forme des starlettes d’Hollywood pour d’avantageuses courbes, mais la vue des pots de crème glacée, du chocolat et des croustilles semble plus         inspirante ;

-   nous voudrions être coincés moins longtemps sur la route, sans avoir à déménager ou à entrevoir d’autres manières de se déplacer ;

-   nous voudrions… nous voudrions… nous voudrions…


Quand nous y pensons, nos attentes envers la vie apparaissent infinies, alors qu’elles ne sont pas si souvent comblées. En fait, si nous comparions notre vie réelle à celle que nous avions planifiée (que ce soit à très long terme : une décennie, par exemple, ou à court terme comme une simple journée), nous constaterions que la trame de l’histoire se déroule bien rarement comme nous l’avions écrite. 

D’ailleurs, selon Piccard, qui le tient d’une étude américaine dont il avait pris connaissance : « Vingt pour cent de ce qui nous arrive dans la vie est planifiable[1]. » Lorsque j’ai lu cette phrase, j’ai eu un véritable choc, car dans les faits, j’essaie de planifier 150 % de ce qui m’arrive. J’exagère à peine ! Force est de constater, toutefois, que je dépense une énergie folle à essayer de tout prévoir, alors que je pourrais me contenter de diminuer mes attentes et mon souci d’optimalité (on croirait entendre mon conjoint parler !).

En fait, et c’est un concept qui provient d’un autre livre dont le titre m’échappe, il est sage de savoir distinguer l’idéal (ce que nous jugeons être parfait) de l’acceptable (ce qui nous arrive dans la réalité et qui peut, si nous y pensons un instant, s’avérer tout à fait acceptable). Donc, devant un « vent de la vie », il convient de se demander, même si ce vent ne semble pas idéal aux premiers abords, s’il est possible de le considérer comme acceptable.

 

ALLÉGER LE VOYAGE : QU’EST-CE QUE VOUS TRAÎNEZ ? 

Continuons la métaphore du ballon : au départ du voyage, les pilotes transportent des sacs de sable, de la nourriture, des vêtements, etc. Tout cela ajoute du poids à la montgolfière. Or, plus ce poids est allégé, plus il est possible de monter haut. La vie, c’est un peu comme cela aussi. Durant l’enfance et l’adolescence, nos parents nous transmettent, bien malgré eux, un lourd bagage comprenant des valeurs, des croyances, des attitudes… Et une fois adulte, nous nous en rajoutons souvent avec des obligations, des « il faut que », des objectifs parfois malsains, etc. Tout ce bagage n’est peut-être pas nécessaire...

Pensons-y… De quoi pourrions-nous nous départir afin d’avoir l’impression de voyager plus léger ? Et de quel bagage pourrions-nous éviter de doter nos enfants ? Quand j’y réfléchis, je pourrais dire non à certains contrats de travail lorsque mon horaire est trop rempli (plutôt que de traîner la peur du « manque »), je pourrais me débarrasser de la méfiance que j’ai lorsque je délègue une tâche (et laisser mon conjoint choisir le moment qu’il souhaite pour s’y attarder, même si ce n’est pas assez rapide pour moi). Je pourrais dire adieu à mon besoin de me dépêcher, et prendre tout simplement mon temps. La liste est longue… Mais comme il serait agréable de voyager dans la vie aussi légère qu’un ballon !

 

CHOISIR COMMENT PILOTER… OU PILOTER AUTREMENT ?

Oui, ce serait agréable de se laisser pousser par le vent, en choisissant seulement de contrôler ce que l’on peut, et de lâcher prise sur le reste. Facile à dire, facile à écrire, mais comment y parvenir ? L’une des possibilités réside en ceci : faire exactement le contraire de ce que l’on ferait naturellement.

J’avoue que cette idée me plaît bien, et elle exige relativement peu de réflexion. Vous avez l’habitude de faire les choses rapidement ? Allez lentement ! Vous avez l’habitude de partir à la dernière minute ? Partez 30 minutes en avance ! Vous êtes minutieuse ? Tournez les coins ronds. Vous prenez un temps fou à vous décider ? Prenez une décision instinctive sur-le-champ ! Vous restez toujours tranquille chez vous ? Passez le pas de la porte et allez explorer, ne serait-ce que les rues de votre quartier !

Cette sortie de la zone de confort pourra susciter des résultats surprenants, car elle pousse de manière radicale à se départir de certaines croyances, convictions ou habitudes qui sont pesantes et empêchent de prendre son envol. 

Il est certain que d’agir à l’encontre de ses élans naturels semble difficile ou stressant : mon ballon va-t-il s’écraser ou atterrira-t-il tout simplement dans un lieu que je n’ai pas choisi ou imaginé ? Parfois, dans la vie, nous avons l’impression que si nous cessons de procéder de notre manière habituelle, le fragile équilibre de la vie se brisera. Mais est-ce le cas ? Avons-nous vraiment essayé pour voir ? Si tout était possible, qu’est-ce que vous tenteriez ?

Personnellement, je pense que c’est mon habitude d’aller vite que je voudrais surtout mettre de côté. Le 21 juin est la Journée internationale de la lenteur (pour de vrai !), je devrais m’y mettre, au moins cette journée-là. C’est drôle, parce que j’écris ces phrases en tapant à une vitesse folle à l’ordinateur, et je me trouve un peu pathétique… Mais bon, un jour j’irai plus lentement. J’en suis capable, mais au Costco seulement (je ne sais pas pourquoi, mais j’ai décidé que j’allais lentement quand je vais là, ça me fait vraiment du bien ! Je devrais donc être à même de le faire ailleurs, logiquement). L’idée ici est d’illustrer qu’aller à l’encontre de soi-même peut s’effectuer à petits pas, dans un contexte précis, pour prendre de l’ampleur avec le temps.

 

ET EN ÉDUCATION ?

La métaphore de la montgolfière s’applique aussi à l’éducation des enfants. Pour que le ballon de notre enfant puisse naviguer agréablement et que ce dernier prenne son envol dans la vie, il a certes besoin d’encadrement (qui correspond aux poches de sable), mais il faut aussi savoir doser le poids…

Évidemment, une routine sécurisante et constante et des interdictions pertinentes sont nécessaires, mais notre enfant a aussi droit à une certaine liberté, pour se sentir plus léger et en contrôle de son altitude… Laissons-le faire des choix lorsqu’il est le seul impliqué (p. ex. : ce qu’il met dans son lunch, sa manière de s’habiller, le moment où il fera ses devoirs, s’il prendra un bain ou une douche pour se laver…).

Le juste équilibre entre une discipline sécurisante et la liberté de choix lui permettra de profiter d’un voyage en ballon agréable, et nous constaterons, une fois notre enfant devenu adolescent, qu’il n’a plus besoin que nous lui imposions des règles, car il s’autocontrôle. En tout  cas, je croise les doigts pour que cela soit vrai, car mes deux adolescentes ne me font aucune crise et prennent de saines décisions, mais reste à voir ce que ma préadolescente fera… Pour l’instant tout va bien, et je crois que c’est parce que j’ai su trouver l’équilibre entre les règles (c’est moi l’adulte, c’est moi qui décide le fonctionnement de la maison et l’horaire familial !) et la liberté (les portions de ta vie qui ne regardent que toi t’appartiennent, alors fais tes choix).

 

BON VOYAGE !

N’attendons pas le Festival des montgolfières pour entamer notre parcours. Il est toujours temps de profiter de la balade en sachant non pas naviguer contre le vent, mais en le laissant nous pousser tout en prenant de l’altitude, grâce aux poids de la vie dont nous nous départirons. Bien que lâcher prise puisse souvent paraître difficile, je crois que cette métaphore pourra nous aider à mieux y arriver… Alors, la prochaine fois que nous résisterons aux vents du quotidien, demandons-nous simplement : « Qu’est-ce que je pourrais lâcher pour prendre plus d’altitude et faire un voyage plus agréable ? » Vous connaissez sans doute la réponse ! 

 

Anik Routhier
Enseignante en Techniques d’Éducation à l’enfance