Date de publication
Ressource
Anik RouthierJ’en suis presque venue à bout : l’encombrement de ma maison ! En fait, je peux même dire que je suis assez fière du résultat, mais j’aurais pu m’éviter des années de ménage et d’épuration si j’avais, à la base, compris une chose : les enfants (et les adultes !) n’ont pas besoin de tant de choses pour être heureux ! L’important, ce n’est pas l’abondance d’objets, mais plutôt l’abondance de plaisir que l’on éprouve avec ce que l’on possède !
Pourquoi n’ai-je pas réalisé cela plus tôt ? Dans mon cas, l’une des raisons est reliée à l’éducation que j’ai reçue. Ma famille était plutôt pauvre, et les messages qui y étaient véhiculés constamment orientés vers le manque. J’ai donc rapidement intégré que, dans la vie, il fallait « AVOIR » pour être heureux. Je me suis donc convaincue, même sans avoir encore d’enfants, que ma progéniture ne manquerait de rien. Cette croyance en tête, j’ai commencé à acheter des trucs pour mes futurs enfants, quand je dénichais des trouvailles intéressantes, bien avant d’être enceinte de mon premier bébé !
Résultat : j’ai eu trois filles et une maison bien (TROP) pleine ! Certes, mes petites n’ont manqué de rien, mais j’ai assez vite constaté que cette surconsommation ne menait à rien. La grande majorité des « gogosses » (des objets provenant du Dollarama ou des surprises pour enfants des menus de restauration rapide, vous voyez ce que je veux dire) finissaient par se retrouver dans un coin après avoir été utilisées deux ou trois fois, ou une seule fois, et plusieurs jouets reçus en cadeau subissaient le même sort !
« Plus = mieux » ne me semblait plus si vrai, après coup ! Mais comment s’opposer à cette pensée populaire sans être taxée de mère brimant ses enfants ? La réponse est peut-être celle-ci : si nous passions le message que l’abondance se centre non pas sur la quantité d’objets possédés, mais sur l’abondance de plaisir que l’on éprouve avec ce que l’on a ? Je pense que les bébés ont compris cela ! Il y a juste à les observer avec leur doudou préférée, qu’ils traînent pendant des années malgré son état devenu lamentable, pour constater que leur joie peut provenir d’une source simple. Les petits ont aussi ce don de s’amuser avec la moindre chose, et je le vois quand je supervise de futures éducatrices dans des pouponnières. Certains enfants peuvent rester de longues minutes à regarder et à toucher mon collier en forme de poupées, d’autres sont fascinés par mes crayons, mon cahier de notes à tête de singe ou même ma bouteille d’eau.
Bref, plutôt que de remplir nos maisons avec une foule d’objets sans réel intérêt, pourquoi ne pas prendre le temps de choisir, avec soin, quelques coups de cœur qui se tailleront une place significative dans la vie de nos enfants ? Personnellement (et vous aussi peut-être), j’ai encore chez moi des objets de ma jeunesse qui ont résisté au temps : quelques collections (BD d’Astérix, poupées Fraisinette, gommes à effacer et cartes postales), mon cahier de poésie de 2e année au primaire, certains jeux de société classiques (Monopoly, Destin, Jour de paie…), tous mes blocs Lego et deux autres jeux de construction avec lesquels j’ai passé des heures et des heures de création, ma boîte de crayons Prismacolor en métal... Pourquoi ces objets ont-ils survécu à mes nombreux déménagements ? Pourquoi ai-je jugé qu’ils étaient dignes de rester près de moi et de mes enfants, alors que cela fait des années que je vide ma maison au maximum ? Parce qu’ils ont une valeur émotive, car j’ai tellement joué avec ! Et d’ailleurs, même si mes filles sont maintenant trop vieilles pour ces jeux, je les garde pour mes futurs petits-enfants (oui, oui !).
Je réalise, quand je fais l’inventaire de tous ces objets significatifs, que j’ai eu, finalement, une enfance plus choyée que je ne l’ai perçue sur le moment. En fait, ce sont les paroles de mes parents qui m’ont portée à croire le contraire. Si mes parents avaient insisté davantage sur le fait d’apprécier et d’avoir de la gratitude pour ce que l’on avait, j’aurais probablement eu une vision différente de la vie, et je n’aurais pas acheté tant de choses inutiles à mes filles.
Maintenant, je me procure peu de choses, mais je choisis ce que je considère comme étant des coups de cœur, des incontournables. Évidemment, on peut toujours se tromper, mais le fait est que les besoins réels de nos enfants (et les nôtres !) sont souvent bien plus simples à combler qu’il n’y paraît… Je me fais donc un devoir d’insister sur la quantité de plaisir obtenu, et non la quantité d’objets. J’espère, ainsi, que mes enfants auront compris que l’essence même de la gratitude et de l’appréciation ne réside pas dans le concept de nombre, mais bien dans celui de qualité…
Anik Routhier
Enseignante en Techniques d’Éducation à l’enfance