Le trouble d’attention, faut-il s’en inquiéter ?

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Date de publication

samedi 01 octobre, 2005

L’attention… Alors que je m’apprête à décrire ce concept, tout me semble soudain confus. Je sens que les idées que m’ont transmises chercheurs, parents, cliniciens et professeurs vont dans une foule de directions. C’est avec un effort presque surhumain que j’essaie de déterminer les éléments principaux et d'extraire une ligne directrice de tout cela. Souffrirais-je, moi aussi, d’une difficulté de concentration ? Pour le moment, sûrement.

 

Mais pour être qualifiée de personne atteinte d’un trouble d’attention chronique, il me faudrait manifester durant plus de six mois au moins six des neuf critères propres au trouble d’attention (TDA), soit : éprouver de la difficulté à porter attention aux détails, éprouver de la difficulté à soutenir l’attention ou à se conformer difficilement aux consignes, sembler ne pas écouter lorsqu’on lui parle personnellement, mal organiser ses tâches, s’y investir à contrecœur, perdre des objets nécessaires au travail, se laisser facilement distraire et faire des oublis fréquents dans la vie quotidienne. Alors, je me rassure. Et en repensant à Alain Caron, spécialiste du domaine des TDA, qui me demandait : « Es-tu certaine de pouvoir décrire un sujet aussi complexe en quelques mots ? », je me dis que ne suis pas la seule chez qui ce sujet suscite plus de questions que de réponses…

 

Mais qu’en est-il des parents, des professeurs et des enfants qui doivent se questionner au quotidien sur leurs difficultés à maintenir leur attention ? Comment devraient-ils réagir devant ces petits problèmes momentanés, devant des diagnostics parfois bâclés ou même absents ?

 

Rital ou rital pas…

Sans être taboues, les discussions sur les troubles de l’attention chez les enfants demeurent très émotives. Pouvons-nous expliquer ce malaise par un simple manque d’information ? Oui et non. Au cours des 10 dernières années, l’expression « déficit d’attention » a été imprimée à maintes reprises dans à peu près tous les journaux grand public québécois. Mais les journalistes ont surtout parlé de l'hyperactivité et de la controverse provoquée par la prescription abusive du Ritalin et de l’hyperactivité, qui n’est en fait qu’une des formes du déficit d’attention (avec l’inattention et l’impulsivité), et loin d’être la plus courante.

 

Ces articles ont souligné à juste titre que le Québec est un des lieux où les psychostimulants (Ritalin et équivalents) sont les plus prescrits au monde chez les enfants. Ils ont également permis d'affirmer que leur consommation a augmenté dramatiquement à partir du moment où les services professionnels (psychologues, psychoéducateurs, orthopédagogues) ont été réduits dans les écoles. Mais en rapportant ces quelques faits incontestables, ces articles ont également véhiculé plusieurs fausses croyances, au grand désespoir des spécialistes, concernant, entre autre, le rôle que joue le Ritalin. Les effets désirés ou secondaires du médicament ont, entre autres, été souvent assimilés à ceux des anti-dépresseurs et autres médicaments reconnus, à tord ou à raison pour leur effet euphorisant, favorisant la passivité ou la dépendance. Pourtant, le Ritalin agit plutôt comme un stimulant. De plus, un peu comme le lithium, le Ritalin, s’il est bien prescrit, il remplace une substance produite par le cerveau que certains enfants ne produisent pas en quantité suffisante. Chez des enfants qui ne souffrent pas vraiment d’hyperactivité, ce médicament devrait tout bonnement être inefficace. Le fait que certains enfants disent se "sentir enfin vraiment eux-mêmes" avec le Ritalin et qu’ils parviennent à s’investir davantage, même dans les activités exigeant beaucoup d’énergie, contredit un peu la théorie de la passivité. D’autre part, les études, sur une dépendance possible, se contredisent encore beaucoup et le fait que la plupart des médecins ne prescrivent presque jamais le Ritalin la fin de semaine et que les enfants n’ont pas l’air de s’en plaindre ne tend pas à confirmer cette théorie dans l’immédiat.

 

Bien que n’ayant pas toujours le beau rôle, les cliniciens et les éducateurs sont, en général, prêts à admettre que les psychostimulants sont souvent prescrits de manière abusive. « On admet généralement qu’il existe 2 à 3 % d’enfants souffrant de TDA dans une population normale mais, dans certaines classes, on trouve parfois jusqu’à 9 enfants qui prennent du Ritalin. Pourtant, le Ritalin ne peut que servir à pallier un trouble neurologique. Le milieu ne devrait donc pas influencer le niveau de consommation. Il y a donc quelque chose qui cloche », évoque Alain Caron.

 

Il n’est pas question cependant, pour les médecins et les éducateurs, de renoncer tout à fait à cette solution chimique car, bien prescrite, elle peut avoir des effets très bénéfiques. Les parents qui l’ont utilisée peuvent aussi le constater, comme le démontre le cas de madame Trudel : « Avant, mon garçon accumulait les difficultés à l’école, il adorait les sports, mais il y était toujours parmi les derniers; avec la famille, ce n’était pas facile non plus. Mon garçon a même évoqué parfois le désir de mourir. Depuis qu’il prend ses médicaments, il me semble plus heureux. C’est plus facile à la maison et à l’école. Maintenant, il fait des compétitions au niveau national. (…) Je vois aussi beaucoup de parents qui retardent la prise de psychostimulants et finissent un jour par dire qu’ils auraient donc dû commencer avant. »

 

Concernant les pour et les contre des psychostimulants et le cas graves de TDA, les spécialistes québécois peuvent compter sur une documentation bien garnie. Cependant, les parents cherchant des informations sérieuses à propos des enfants qui, à la maison, manifestent des difficultés plus ou moins grandes à se concentrer peuvent compter les documents francophones récents qui s’adressent à eux sur les doigts d’une seule main.

 

« Une fois que le diagnostic nous tombe dessus, il faut s’arranger tout seul », ajoute Martine Trudel. Mais avant même d’en arriver à ce point, il lui a fallu frapper à plusieurs portes et rencontrer pas moins de 15 spécialistes pour son garçon. « Et chaque fois qu’on entreprenait une nouvelle démarche, cela lui faisait sentir qu’il n’était pas normal. » Pourtant, les professionnels s’entendent sur la nécessité de rencontrer un spécialiste pour traiter ce genre de cas. Les troubles d’attention sont souvent combinés à d’autres problèmes. Les critères habituels concernant la corrélation entre l’âge et la capacité d’attention de l’enfant sont également des indicateurs discutables, puisque l’attention varie énormément en fonction de l’intérêt de l’enfant et qu’il n’existe aucun test biologique permettant d’obtenir une réponse sûre. De plus, dans bien des situations, comme lorsqu’un enfant est confronté à professeur ennuyeux, à une matière inadaptée à ses capacités, à une classe bondée, à du matériel peu stimulant ou encore qu’il éprouve de la fatigue accumulée, il est tout à fait naturel que ce dernier décroche. L’expérience et l’expertise du clinicien ont donc un grand rôle à jouer durant les heures nécessaires à l’évaluation.

 

Les TDA constituent d’ailleurs 75 % de la clientèle des pédopsychiatres. La consultation de ces spécialistes fait habituellement suite à des situations d’échecs scolaires répétées de l’enfant. En fait, cela ne pourrait d’ailleurs guère être plutôt puisqu’un diagnostic de TDA n’est jamais posé avant le sixième anniversaire. Doit-on alors considérer que l’enfant de madame Trudel a simplement joué de malchance ? Au contraire, si sa famille n’avait pas eu les moyens d’investir plusieurs milliers de dollars par année en clinique privée, il aurait tout probablement dû attendre environ deux ou trois ans avant que les services sociaux soient en mesure de lui venir en aide.

 

Bien sûr, les différents spécialistes dénoncent cette situation carrément inacceptable. L’enfant devrait pouvoir compter non seulement sur des soins médicaux et une attitude préventive, mais aussi sur un diagnostic qui permettrait aux parents et aux enseignants d’ajuster adéquatement leurs méthodes d’apprentissage. En tenant compte du fait que la plupart des TDA décrochent de manière assez discrète, il peut devenir difficile pour le professeur surchargé ou le parent qui n’a pas d’autre point de comparaison de déterminer à quel moment il faut sonner l’alarme. Par ailleurs, de l’avis de tous, plusieurs enfants ont davantage besoin d’une tape dans le dos que d’un médicament pour reprendre goût à l’école. « Dans une classe, 50 % des élèves réussiront de toute façon, 10 % sont en problèmes graves d’apprentissage et 40 % ont besoin de notre soutien. C’est souvent ce dernier groupe que l’on néglige un peu trop », affirme Alain Caron. Mais faut-il alors s’étonner que, devant un professeur dépassé, une relation familiale qui semble s’effriter et des spécialistes inaccessibles, tant de médecins généralistes optent pour la solution des psychostimulants ?

 

Les causes

Bien sûr, tout bon médecin peut se fier au DSM IV, ce grand répertoire des maladies mentales, pour l’aider à reconnaître un problème d’attention, mais il demeure qu’au-delà de la définition de ce problème, les opinions quant aux causes qui le sous-tendent et aux moyens de le traiter varient beaucoup d’une école de pensée à l’autre.

 

La biologie

Les spécialistes s’entendent habituellement sur l’origine biologique et héréditaire du TDA, dans les cas, du moins, où les psychostimulants s’avèrent nécessaires. Les enfants TDA auraient un fonctionnement légèrement différent ou un retard dans le développement de la partie frontale du cerveau. Les statistiques indiquent d’ailleurs que 90 % des enfants TDA ont au moins un parent qui souffre de la même difficulté.

 

Cependant, bien des pédiatres ne voient pas là une raison suffisante pour réduire le TDA à une simple cause génétique. « Il faut que les parents sachent que leur alimentation a un rôle à jouer dans le développement du cerveau du fœtus », insiste le docteur Jolicoeur qui croit que, tout comme les gênes, les mauvaises habitudes de vie peuvent être héréditaires. Dans la même veine, d’autres auteurs croient que le stress vécu par le fœtus et le jeune bébé affecterait le développement de son cerveau. Le fait a d’ailleurs déjà été constaté, mais on l’associe habituellement plutôt aux troubles d’attachement qu’au TDA. Selon cette dernière théorie, l’enfant aurait tendance à se couper de sa voix intérieure et à développer une attention qui se centre inutilement sur tout et sur rien, un peu comme les adultes qui deviennent hyper-vigilants à la suite d’un traumatisme.

 

L’environnement

Du côté de la pédiatrie, les chercheurs essaient plutôt d’expliquer que, dans notre société, l’attention soutenue puisse être plus difficile à obtenir chez plusieurs des enfants. Ils recherchent alors les meilleures approches préventives applicables à l’ensemble des élèves. Bien sûr, certains traits, comme le caractère plus souvent oppositionnel que l’on retrouve chez les TDA et surtout chez les hyperactifs, peuvent s’expliquer assez simplement par le fait que l’on n’apprend plus aux enfants d’aujourd’hui à obéir aveuglément, mais d’autres traits méritent une réflexion approfondie. Dans une culture où l’enfant est roi, dans un monde où la communication publique est principalement visuelle et où tout va de plus en plus vite, il semblerait plus difficile pour les jeunes de satisfaire aux exigences de plus en plus élevées en ce qui a trait à la concentration. Très tôt, l’enfant de la culture visuelle, des vidéos éducatives et de la garderie est pris en charge par un mode de fonctionnement qui lui est extérieur, ce qui ne favorise pas l’autonomie. Le fait de vivre dans une culture où l’enfant n’a pas nécessairement à patienter avec ses frères et sœurs, où les différents médias offrent des produits constitués de séquences d’images de plus en plus courtes et où les parents n’ont pas nécessairement le temps pour s’arrêter, ne préparerait pas nécessairement l’enfant à prendre du recul. Habitué à céder davantage à la première impulsion, ce dernier éprouve parfois de la difficulté à se freiner, à prendre le recul nécessaire afin de se raisonner.

 

Plusieurs enfants arrivent alors mal préparés au contexte scolaire, qui oblige ceux-ci à rester assis, à accepter d’être évalués et à mettre de l’ordre dans le flot continu de paroles du professeur. Cela est particulièrement vrai pour les garçons. Contrairement à ce que l’on a d’abord cru, les garçons ne souffrent pas plus fréquemment de TDA que les filles, mais ils préfèrent souvent un apprentissage qui passe davantage par le corps et l’action que la simple écoute docile. Ils manifestent leur opposition ou leur besoin d’aide plus bruyamment et sont beaucoup plus fréquemment identifiés comme hyperactifs. « Les jeunes qui ont de la difficulté à soutenir leur attention ne veulent pas moins apprendre, ils ont seulement besoin de le faire à l’aide de stimulations plus intenses », explique Roch Chouinard, professeur en science de l’éducation à l’Université de Montréal, spécialité en gestion de classe, en motivation scolaire et sur l’incidence des modèles organisationnels et des pratiques pédagogiques sur l'engagement et la persévérance des élèves du primaire et du secondaire.

 

En revanche, la réussite scolaire est considérée comme un atout de plus en plus important à la réussite de sa vie en général : « Avant, si un enfant ne se sentait pas à sa place à l’école, ce n’était pas si grave. On se disait qu’après, il ferait autre chose. Maintenant, les parents essaient le plus possible d’étirer la période scolaire jusqu’à l’université », constate le docteur Jolicoeur. Pour les jeunes qui ont déjà de la difficulté à soutenir leur attention en groupe, à interagir avec leurs pairs sans problèmes et à mettre de l’ordre dans leurs idées, le nouveau programme du ministère de l’Éducation, axé davantage sur le travail de groupe, les discussions et le transfert des compétences acquises, ne facilite pas les choses. Roch Chouinard décrit d’ailleurs le TDA comme une difficulté à automatiser ses comportements déjà répétés dans le passé afin de consacrer totalement son esprit aux nouvelles connaissances, un peu comme si l’incertitude se perpétuait toujours par rapport à ce qui est supposé être acquis. « Les jeunes qui n’arrivent pas à suivre se laisse traîner », déplore madame Trudel.

 

L’estime de soi

Quelle que soit la cause première des échecs répétés, ils affectent à coup sûr l’estime de soi. Alain Caron souligne qu’il est nécessaire de briser le cercle vicieux qui risque de s’établir entre les comportements inappropriés qui causent l’échec, la perte d’estime de soi et le peu de disposition à centrer son attention et à tenter de retenir l’information qui risque de mener à un autre échec. L’enfant qui échoue se met à faire tout à la fois pour s’en sortir, ce qui cause d’autres échecs. Il peut aussi simplement avoir plus de mal à se concentrer parce que ses échecs précédents le rendent anxieux. Certaines personnes pensent alors que les échecs forgeront le caractère de l’enfant, ce qui est une erreur d’après monsieur Caron : « Il n’a pas assez d’expérience positive pour compenser ».

 

Les trucs d’apprentissage

Dans son livre intitulé Le Programme Attentix, Alain Caron propose différents moyens de mieux encadrer, encourager et stimuler l’attention de l’ensemble des élèves d’une classe. Selon lui, utiliser différents modes de communication et faire prendre conscience à l’enfant du processus par lequel il peut parvenir à reconnaître les informations pertinentes peut l’aider à les retenir et y mettre de l’ordre, malgré les difficultés rencontrées. Il insiste aussi sur l’importance d’alimenter l’imagination par le langage afin que l’enfant apprenne peu à peu à s’organiser lui-même un langage interne et à se créer une petite voix intérieure à laquelle il apprendra à se référer plus souvent, plutôt que de céder à l’impulsivité. D’autres spécialistes proposent d’utiliser des éléments susceptibles de distraire, comme la récompense à la suite d’un effort. Cet encadrement devrait contribuer à rendre les exigences demandées un peu plus accessibles.

 

Mais ces idéaux conçus pour les bancs d’écoles peuvent-ils être adaptés au milieu familial ? Voilà une autre question sur laquelle les avis diffèrent. D’un côté, oui, tout le monde s’entend pour dire que la collaboration parents-professeurs devient essentielle à la réussite, à partir du moment où l’on remarque que l’enfant éprouve de la difficulté à se concentrer. Pour que cela vaille la peine, il ne faut cependant pas utiliser l’enfant comme intermédiaire, mais plutôt favoriser les contacts directs. Aujourd’hui, de nouveaux règlements obligent même le médecin, le directeur d’école, le professeur et un professionnel de l’apprentissage à rester en communication pour monter ensemble un suivi d’action à propos de chaque enfant diagnostiqué TDA. Plusieurs intervenants constatent cependant que le fait que les milieux familial, scolaire et médical visent des objectifs différents limite la portée de certaines méthodes d’aide d’un milieu à l’autre.

 

En effet, si la médecine vise davantage les symptômes et que l’école se concentre sur la réussite scolaire et la discipline, le parent, lui, est plus directement confronté aux réalités psychologiques et sociales propres au TDA. Car cette difficulté à rester attentif peut en effet affecter d’autres choses que l’apprentissage théorique. L’enfant qui ne parvient pas à se concentrer, surtout s’il a des tendances à l’impulsivité, aura plus de mal à suivre le discours des jeunes de son âge et à respecter les règles, implicites et explicites, qui régissent les rapports entre eux. Incapable de se créer un langage interne, cet enfant n’arrivera jamais véritablement à se mettre à la place de l’autre dans son impatience à agir. De plus, le docteur Jolicoeur constate que ces enfants, qui vivent toujours dans l’intensité, peuvent avoir tendance à se sentir attaqués ou à avoir beaucoup de mal à mettre en perspective ou à évaluer la proportion des gestes qui sont posés envers eux, ce qui peut parfois transformer une caresse ou une tape sur l’épaule en véritable agression. Ces enfants risquent donc plus souvent de dire la mauvaise chose au mauvais moment, ce qui peut pousser les familles du voisinage à devenir un peu plus réticentes à les accueillir chez elles.

 

La famille

Mais cette difficulté à être attentif aux signes et à respecter les règles a aussi des répercussions sur la famille. Les parents sont les premiers témoins du désespoir de l’enfant qui se trouve en situation d’échec scolaire et parfois social. Le fait qu’un enfant vive beaucoup plus dans l’intensité du moment présent et prévoit rarement de plan B qui pourrait lui éviter des ennuis et réduire son sentiment de désarroi oblige d’ailleurs les parents à être plus vigilants. L’attention portée à celui qui souffre peut aussi faire en sorte que les autres enfants de la famille puissent se sentir négligés. En outre, voir son enfant perçu comme un paresseux parce que les résultats escomptés sont rarement atteints ou craindre d’être perçu comme un mauvais parent ne sont pas des réalités faciles à vivre non plus.

 

Mais les parents y peuvent-ils quelque chose ? Dans la plupart des cas, le premier réflexe sera de veiller à ce que les habitudes de vie de son enfant lui soient les plus bénéfiques possibles. En effet, des résultats scientifiques portent à croire que si un jeune dort suffisamment et a une alimentation équilibrée, sans carence en fer ni excès de sucre, cela devrait être suffisant pour maintenir sa concentration. Mais à propos du sport, les avis sont plus nuancés. Les sports peuvent constituer une manière positive de canaliser l’énergie lorsqu’ils sont pratiqués de façon modérée. Toutefois, l’excès, le fait de les pratiquer au mauvais moment (avant de dormir, par exemple) ou la pratique de sports inappropriés, comme les arts martiaux pour un enfant qui a déjà du mal à contrôler sa frustration, sont déconseillés.

 

D’autres solutions, comme les pilules des naturopathes et les granules des homéopathes, inspirent une méfiance plus vive encore de la part des chercheurs. Selon ces derniers, l’utilisation de médicaments qui ont un haut risque d’inefficacité risque de retarder l’accès à un traitement efficace et de provoquer d’autres sortes d’espoirs et d’échecs. Néanmoins, les pédiatres encouragent les parents à tout essayer avant de se résoudre à la solution chimique. Il est vrai que l’étiquetage des enfants par la médication n’est pas facile à vivre chaque jour avec les pairs. Cependant, la reconnaissance du syndrome ne comporte pas que des désavantages : « Enfin, tu le sais toi aussi », a dit le fils de madame Trudel le jour où le verdict est tombé. « Lui, il le savait depuis longtemps », précise-t-elle.

 

Mais alors, quels sont donc ces moyens reconnus par lesquels les parents peuvent contribuer au bien-être et à la concentration de leurs enfants (surtout si celui-ci démontre un peu d’hyperactivité) ?

- Favoriser une vie le plus stable possible, ce qui non seulement rassurera l’enfant mais l’aidera à définir plus clairement les notions de temps, essentielles pour établir des séquences.

- Trouver des moyens d’offrir du temps à l’enfant où l’on est pleinement disponible pour lui, plutôt que de simplement céder à ses demandes continues et souvent maladroites d’attention. Multiplier les rituels doux (massages, histoires, musiques) peut aussi, sans avoir de résultats miracles, permettre de rythmer la vie de l’enfant, le sécuriser et renforcer les liens avec lui.

- Encourager et reconquérir. Bien sûr, les encouragements sont aussi de rigueur, mais pour avoir un impact réel sur l’estime de soi, ils ne doivent pas être trop exagérés, rendant ainsi les objectifs difficiles à atteindre, ni porter sur les actes, puisque les enfants qui ont connu des échecs ont encore plus besoin que les autres d’être jugés pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils font. En outre, lorsque l’enfant s’attire une punition ou la déception du parent, il serait impératif que le parent prenne ensuite sur lui d’aller reconquérir son enfant pour lui montrer qu’il n’a pas à performer exagérément pour compenser les erreurs passées.

- Établir des consignes claires et répétées, s’assurer qu’elles sont bien comprises et que les conséquences qui risquent d’en découler le sont aussi. Les spécialistes s’entendent aussi généralement sur le truc du « 1-2-3 ». L’enfant se fait alors répéter la consigne trois fois, à la suite de quoi il doit en subir les conséquences. Pour être efficace, cette méthode suppose alors de ne travailler que les points les plus irritants et de mettre les autres de côté pour le moment.

- Détacher les grands projets en courtes séquences peut aussi aider l’enfant à planifier son action et à apprendre à se construire un langage intérieur. Afin d’aider l’enfant à prendre conscience de ce qu’il fait, devrait faire et de sa manière d’organiser sa journée, le docteur Jolicoeur propose même à ses parents TDA une liste qui sépare la journée par fragments et permet de comptabiliser rapidement les bons et les mauvais coups par moment de la journée. Cette façon de « visualiser » la journée peut aider l’enfant à évaluer son niveau de responsabilité dans ce qui survient dans sa vie, une chose difficile pour tous les enfants et particulièrement les enfants TDA.

- Choisir avec lui la conséquence. Naturellement, une suite d’actions conformes à ce qui est attendu ou l’inverse méritent souvent d’être soulignés par une conséquence à long terme, mais une telle attitude qui évalue « à froid » la bonne volonté manifestée pendant la journée reste très behaviorale, extérieure à l’enfant et peut porter à bien des chantages. Il serait alors bon de compenser en s’entendant à l’avance sur les punitions et les récompenses qui devraient suivre l’agir et que le parent et l’enfant jugent « raisonnables ».

- Valoriser les moyens d’accumuler les réussites. Parmi les moyens les plus appréciés pour aider l’apprentissage et souligner une réussite, on retrouve les jeux vidéos. Adaptés à l’univers visuel dans lequel l’enfant se sent à l’aise, ils ont aussi l’avantage de ne présenter à l’enfant qu’une difficulté à la fois, de ne pas porter de jugement, d’envoyer régulièrement des messages de renforcement. Là comme ailleurs, les images peu stimulantes peuvent finir par distiller l’intérêt et, par le fait même, l’attention. Cependant, les jeux présentent habituellement des images vives et certains sont en outre équipés d’écouteurs qui permettent à l’enfant d’être tout à fait immergé dans cet univers virtuel. Le principe s’est révélé tellement efficace que des parents ont essayé d’adapter cette technologie à l’apprentissage et c’est avec une grande surprise qu’ils se sont fait répondre, après des séances de jeux éducatifs prolongés : « Tu me déranges, je me concentrais ». Ces jeux constituent donc un bon exutoire pour les difficultés que l’enfant peut vivre à l’extérieur de l’univers ludique. Par contre, ils isolent ceux qui y jouent de tout apprentissage social. Voilà pourquoi les spécialistes demandent aux parents de les utiliser avec modération et d’y substituer les sports et les jeux « en personne » le plus souvent possible.

- Être curieux et aller chercher du côté des talents. Afin de toujours manifester à l’enfant le bénéfice du doute quant à sa bonne volonté, le parent doit tout d’abord se montrer curieux face à l’enfant, aux moyens qu’il prendra pour parvenir à bout d’une difficulté et aux solutions innovatrices qu’il propose. Des spécialistes de la pédagogie constatent que si l’enfant TDA se sent souvent un peu perdu devant une consigne floue ou des attentes précises, il doit souvent, en revanche, se créer ses propres chemins pour arriver à son but, ce qui donne souvent des résultats hors normes qui peuvent être très intéressants. Les enfants qui ont de la difficulté à suivre les consignes sont d’ailleurs souvent des petits professeurs débrouillards et très doués puisqu’ils peuvent eux-mêmes proposer à d’autres de nouvelles voies d’apprentissage. On retrouve d’ailleurs plusieurs grands génies parmi les TDA de l’histoire. Une attitude parentale qui encourage de telles initiatives peut donc être très favorable au développement de l’enfant et de ses différences.

- L’imagination et l’avenir. La maison est, bien sûr, un lieu très favorable au développement de l’imagination. Être capable d’utiliser cette faculté pour aider l’enfant en mal de concentration à dépasser le moment présent afin d’envisager quelles peuvent être les conséquences, à moyen ou à long terme, de ses actes peut tout de même être difficile, mais cela est cependant crucial au niveau de la motivation. « Aussitôt que mon garçon s’est mis à me parler de ce qu’il voulait faire plus tard, j’ai compris que nous étions sauvés», dit madame Trudel. En effet, viser un but plus lointain est une base presque incontournable pour donner à enfant qui a de la difficulté dans le présent le goût de se dépasser.

- Prendre soin de soi et aller chercher de l’aide. Naturellement, aucun parent n’est un ange et aucun n’échappera un jour à la colère, surtout s’il ne prend pas de temps pour soi et qu’il tente de se plier aux conseils de chacun. Afin d’être mieux disposé à offrir de l’aide et à consacrer du temps de qualité à l’autre, il faut d’abord parvenir à le faire pour soi et aller chercher de l’aide. Une association nommée Panda, qui a des bureaux un peu partout au Québec, permet d’ailleurs aux parents d’enfant TDA d’échanger et de se soutenir.

 

Conclusion

Ce tour d’horizon des différentes perspectives offertes à l’étude du TDA nous apprend donc non seulement que le Québec est l’un des endroits où le Ritalin est le plus consommé dans le monde, mais aussi qu’il est un des lieux où les problématiques liées aux difficultés de l’attention sont le plus discutées. Bien sûr, aucune réponse ni solution ne sont encore parfaites. Les parents qui ont cru que le Ritalin, à lui seul, pourrait tout arranger ont dû faire face à une amère déception. Par ailleurs, les théories voulant que les enfants TDA ne souffrent que d’un retard dans le développement d’une partie du cerveau concordent assez mal avec le fait que certains adultes demeurent des TDA toute leur vie. On ne s’entend pas non plus pour déterminer si les autres anciens enfants TDA ont cessé d’en souffrir ou s’ils ont fini par adapter leur mode de vie à cet état de fait.

 

Mais malgré ces débats, ces ambiguïtés et la réticence du grand public relativement aux psychostimulants, le Québec n’a pas à rougir de ses avancées en la matière. Des groupes comme Panda sont d’ailleurs des exemples très inspirants pour l’ensemble de la planète, tandis que la renommée de nos spécialistes dépasse les frontières, de même que celle de leurs solutions de traitement. « Il y a des gens qui m’appellent de toute la francophonie pour me demander des détails sur les psychostimulants », rapporte madame Trudel, qui est aussi engagée dans le mouvement Panda. « Des pays comme la France, la Belgique et le Congo qui ne sont pas friands de médicalisation, n’ont pas trouvé d’autres solutions que l’internement pour les cas graves. Plusieurs parents cherchent ici une solution plus appropriée. »

 

Pour plus d’information :

www.associationpanda.qc.ca/termino.htm

 

Autres lectures suggérées :

Apprivoiser l’hyperactivité et le déficit de l’attention de Colette Sauvé, Montréal et Valleyfield, Hôpital Sainte-Justine et Centre hospitalier régional du Suroît, 2000.

 

L’esprit dispersé. Comprendre et traiter les troubles de la concentration de Gabor Maté, traduit de l’anglais par Michelle Bachand (Scattered Minds), Montréal, Éditions de l’'Homme, 2001.

 

Programme Attentix. Gérer, structurer et soutenir l'attention en classe d’Alain Caron, Montréal, Éditions Chenelière/McGraw-Hill, collection « Chenelière/Didactique. Apprentissage », 2002.

 

À venir :

Attentix à la maison

Alain Caron et Martin Dubois

Éditions Chenelière/McGraw-Hill

 

L’Enfant impulsif

Martin Dubois et Guy Falardeau

Avec la collaboration spéciale d’Alain Caron

Éditions de l’Homme