La dépression infantile, une fuite à l’intérieur

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Date de publication

samedi 01 octobre, 2005

Si, dans le métro, je tente de ralentir un moment ma course entre le travail et la maison en lisant un quotidien, qu’est-ce que je découvre, ces temps-ci, sous le soleil noir et gris des journaux québécois? Taux dramatique d’échecs scolaires, abus sexuels sur des mineurs, délinquance juvénile… vraiment pas de quoi réjouir la future génération de lecteurs… Et justement, on m’y parle aussi de cette nouvelle génération qui déprime dès le berceau.

 

Les organismes comme Revivre, consacrés aux personnes atteintes de troubles anxieux, bipolaires et dépressifs de même qu’à leurs proches, tentent de faire comprendre à la population qu’il ne s’agit pas toujours là que d’une petite déprime temporaire. Il s’agirait plutôt d’une crise sociale tellement vaste que 10 % des jeunes de moins de 18 ans éprouvent, à un moment ou à un autre de leur croissance, un problème de santé mentale et de dysfonctionnement significatif. Cet état des choses a amené le groupe Tournée solidaire pour la vie à joindre les rangs des organismes de sensibilisation et à aller parler de maladie mentale dans les écoles.

 

Ironiquement, cependant, ce sont surtout les dénonciations dans les médias concernant l’administration d’antidépresseurs à des enfants qui ont le plus éveillé la conscience populaire dernièrement. Malgré ces révélations chocs, l’ignorance et le déni de la maladie mentale continuent à affecter lourdement notre culture. Mais cette ignorance a également touché le milieu scientifique pendant très longtemps. En effet, ce n’est qu’entre 1970 et 1975 que fut reconnue officiellement la dépression du jeune enfant .

 

Devons-nous alors conclure que le nombre croissant de dépressions infantiles diagnostiquées au cours des dernières années dépendrait simplement du fait que la maladie soit mieux connue? C’est un élément d’explication, mais insuffisant pour expliquer la tendance actuelle. En effet, les intervenants sociaux continuent à trouver la formation du personnel du milieu scolaire insuffisante en ce qui a trait à la reconnaissance des premiers signes de la dépression; et la province souffre d’un manque criant de personnes aptes à poser un diagnostic de spécialistes en pédopsychiatrie. Résultat : seulement un jeune sur six éprouvant des troubles de santé mentale obtient les soins spécialisés dont il a besoin.

 

Les symptômes

Plus grave encore, lorsqu’un enfant finit par recevoir le traitement tant attendu, rares sont les cas où l’entourage a soupçonné un problème de santé mentale. Les cas de dépression sont parfois dépistés alors qu’un parent ou un enseignant frappe à toutes les portes à la recherche d’un moyen de mieux gérer sa relation avec un enfant.

 

Le cas le plus courant reste cependant celui du parent qui vient faire soigner son enfant qui se plaint de douleurs l’empêchant de vaquer à ses activités quotidiennes. Encore faut-il espérer que le médecin consulté reconnaîtra bien là les symptômes d’un malaise psychosomatique et qu’il ne les confondra pas avec ceux d’un autre trouble mental comme l’anorexie ou l’hyperactivité.

 

En effet, l’enfant qui souffre de dépression aura souvent des dérèglements de l’appétit. Il devient également irritable, a du mal à se concentrer et ses notes risquent d’en souffrir. Contrairement à l’adulte dépressif, il peut parfois chercher la compagnie et l’animation constante afin de fuir ses angoisses. Le jeune tend également à révéler son désespoir par des actes répréhensibles ou impulsifs. Il faut donc effectuer une étude approfondie pour distinguer les cas dépressifs de la simple délinquance.

 

Bien que la dépression infantile s’accompagne, comme chez les adultes, d’idées noires, d’un dégoût pour les activités autrefois synonymes de plaisir, d’un ralentissement général du système, d’une tendance à s’isoler et à négliger ses activités quotidiennes, à dormir beaucoup ou très peu, ces symptômes seront souvent davantage associés par l’entourage à un « signe de l’âge » qu’à un malaise profond.

 

Triste portait des Québécois

Outre le fait que la dépression ne correspond pas nécessairement à l’idée qu’un parent veut se faire de l’enfance et encore moins de l’état d’âme de son enfant chéri, son désir de comprendre se butte également à la pudeur normale de l’enfant. Il ne faut pas pour autant croire que l’enfant soit incapable de nommer sa douleur, de l’illustrer ou encore de dire à quel niveau elle se situe dans sa relation aux autres. Plusieurs parents qui oseront interroger leur enfant l’entendront décrire, avec une sincérité souvent désarmante, ce qui le tracasse lorsqu’ils lui poseront des questions. De plus, les thérapeutes affirment que, déjà, entre deux et six ans, l’enfant développe certaines notions d’objectivité qui lui permettent de comprendre le monde en observant les choses qui l’entourent et, inversement, d’utiliser les objets du monde pour exprimer ce qu’il pense ou ressent . Les thérapeutes utilisent d'ailleurs souvent le dessin pour permettre à l'enfant de transposer en images, à partir des symboles qu’il connaît, ce qui le réjouit ou le tracasse. Cependant le parent peut, lui aussi prendre une telle initiative, comme le thérapeute, chercher à se mettre à l'écoute du jeune dessinateur.

 

Mais les jeunes dépressifs qui se voient confrontés à de multiples échecs peuvent également s’ingénier à masquer leur crainte de voir leur intelligence les abandonner ou de carrément devenir fous. Non seulement ces derniers ne connaissent pas mieux que leurs parents les troubles de l’humeur, mais les jeunes ont peu de recul pour juger de la situation alors qu’ils réalisent leurs premières expériences dans le monde. Ces facteurs contribuent probablement à marquer les brusques changements d’humeur, les attitudes impulsives et les passages à l’acte plus rapides qui caractérisent la dépression chez les jeunes. D’après les chiffres de Revivre, environ 80 jeunes se suicident chaque année au Québec. De ceux-là, 90 % auraient présenté un trouble mental qui, dans 60 % des cas, aurait été d’ordre dépressif. Il est donc urgent d’agir, deux semaines à peine après l’apparition d’une majorité de symptômes.

 

Mais une fois que les parents auront décidé d’agir, ils devront faire preuve de patience et de débrouillardise pour trouver les organismes communautaires ou de référence qui puissent les soutenir ou les guider. Au Québec, la pédopsychiatrie n’est pas encore une discipline médicale reconnue et le nombre de psychiatres qui se consacrent à la jeunesse diminue d’année en année. Avant de rencontrer un spécialiste, les familles se retrouvent donc à attendre plus de trois mois dans les régions centrales et plus de huit mois dans les régions plus éloignées.

 

Comme le constate Jean-Rémy Provost, il s’ensuit que, devant l’urgence de la situation, plusieurs traitements se limiteront à l’action « de première ligne » du généraliste, souvent accusé d’avoir « la gâchette facile » lorsqu’il s’agit de prescrire des psychotropes : « Pourtant, nuance-t-il, si quelqu’un souffre d’une autre maladie qui peut devenir chronique ou mortelle et qui nécessite un traitement d’urgence, on n’accusera pas le médecin de lui prescrire une médication sous prétexte qu’elle risque d’avoir des effets secondaires ».

 

Bernard Desrochers, de Jeunesse j’écoute, soulève également le fait que le risque que peut prendre un médecin en proposant une médication est souvent moins grave que la tendance de beaucoup de jeunes qui souffrent à s’automédicamenter. En effet, le réflexe de plusieurs individus à chercher par eux-mêmes les moyens de masquer les douleurs physiques, souvent révélatrices d’un malaise de l’âme, est bien connu. À cela s’ajoute le secours que certains jeunes vont chercher du côté de la drogue, de l’alcool ou encore des activités extrêmes pour s’insensibiliser l’âme. Il évoque d’ailleurs plusieurs cas où les jeunes « remplacent le mal de vivre par l’euphorie, mais n’arrivent plus à identifier ce qu’est le simple fait d’être bien ». Fait notable, une attitude de casse-cou et de fréquentes blessures sont également répertoriées parmi les symptômes de la dépression…

 

Les causes connues

Selon monsieur Provost, la sévérité du jugement porté sur le traitement de la maladie mentale dépend beaucoup des préjugés attachés à la maladie et du sentiment d’impuissance auquel l’intervention médicale confronte l’entourage. Il faut dire que, pour ces jeunes, les plaisirs extrêmes paraîtront souvent beaucoup plus tentants que les images de marginalisation, d’exclusion sociale et d’enfermement auxquelles correspond, dans leur esprit, le traitement de la folie. Il faut admettre que la dépression est reconnue depuis longtemps chez les adultes. Et si certaines approches du traitement sont nouvelles, elles doivent coexister avec les préjugés mais aussi avec d’autres approches, beaucoup plus anciennes, relatives aux causes et aux symptômes de la maladie.

Les parents trouveront d’ailleurs autour d’eux de multiples ressources bibliographiques, souvent rédigées par des spécialistes français, qui proposent une compréhension psychanalytique de la dépression. Sans exclure totalement l’impact génétique, la psychanalyse moderne aurait plutôt tendance à expliquer la dépression par quelque dysfonction familiale, plus précisément celle du rapport entre la mère et l’enfant (surtout, bien sûr, en ce qui a trait à la dépression du nourrisson). On s’inquiétera alors particulièrement de son attitude si elle-même est dépressive, et donc distraite ou peu expressive sur le développement de son enfant. Si la mère ne parvient pas à faire preuve de constance et à rassurer son enfant sur sa capacité à retenir son attention, celui-ci risque, selon les psychanalystes, de vivre une grave blessure de l’estime de soi et de sa confiance au monde qui l’entoure .

Ce sentiment d’inaptitude à affronter le monde amènera alors l’enfant à ne chercher ses satisfactions qu’en lui-même à mesure qu’il apprend à se distinguer de ce qui l’entoure. Une telle méfiance provoquera également chez lui une crainte du monde extérieur que constituent l’école et la garderie, et le portera à tirer peu de plaisir et de valorisation des accomplissements qu’il y fait.

 

Les psychanalystes ont également noté les conséquences d’un deuil mal complété sur l’état mental du jeune enfant. Ce dernier peut alors espérer indéfiniment un retour de l’être disparu, parfois en intégrant à outrance les attentes ou les attitudes du défunt. Les approches plus récentes mentionnent par ailleurs le danger de voir un enfant rationaliser trop vite ses émotions à la suite d’un deuil, de façon à se conformer à ce que l’on attend de lui.

 

Sans nier intégralement le travail de leurs prédécesseurs, les intervenants québécois se montrent nettement plus prudents lorsqu’il s’agit de décrire la dynamique familiale. Monsieur Provost affirme sans ambages : « Les parents se sentent bien assez coupables comme cela, pas besoin d’en rajouter! » Lionel Sansoucis, de l’Association des parents et amis du malade mental, assure d’ailleurs que ce qu’il rencontre surtout, ce sont des familles profondément dévouées. Cela n’empêche pas ces familles de vivre la maladie dans un contexte où les relations sont souvent perturbées : « Lorsque des gens vivent depuis des années avec un enfant aux prises avec ce type de problème sans parvenir à trouver les moyens convenables de le soulager, il peut arriver que cela touche profondément la dynamique familiale, mais on ne peut pas dire pour autant que les causes soient du côté de la famille! »

 

Les intervenants d’ici ont donc davantage tendance à s’appuyer sur les circonstances ponctuelles au moment de la crise pour évaluer une situation (agression, tension familiale, suicide d’un proche…) ainsi que sur les ressources disponibles à l’instant, à proximité du jeune, pour l’aider à s’en sortir. Les spécialistes ont également tendance à chercher dans la famille un peu plus éloignée quelques signes de la maladie qui permettront d’identifier les facteurs biologiques et génétiques et de ne plus simplement accuser l’attitude des parents.

 

Pourtant, les spécialistes d’aujourd’hui constatent aussi l’importance que peut prendre le deuil parmi ces événements ponctuels. La mort devient même une question très délicate pour une société qui s’est ainsi détachée de ses repères spirituels. Les intervenants et chercheurs reconnaissent en général que la foi avait au moins l’avantage d’apporter une explication précise à la mort et à la douleur. Établir un rite funéraire, dire à l’enfant que le défunt est au ciel ou sous la terre, c’est déjà se donner des mots pour dire qu’il ne reviendra plus et se donner le droit à sa peine . Cela est d’autant plus important que, d’après monsieur Provost, l’enfant, au cours des phases normales de l’évolution qu’il doit traverser, est un être naturellement porté vers les grands questionnements spirituels. Cet intervenant propose qu’on aide l’enfant à se situer face au monde lorsque de tels événements (mort ou autre forme de deuil) viennent ébranler la conception qu’il en a, plutôt que de lui servir une réponse toute faite.

 

La maladie sociale

Les groupes qui travaillent quotidiennement au soutien des gens éprouvant des troubles de santé mentale reconnaissent, pour leur part, bien d’autres explications à la piètre santé mentale de plusieurs jeunes d’ici. Lionel Sansoucis, par exemple, va jusqu’à affirmer : « La dépression nerveuse, c’est avant tout une maladie du rythme. Alors pas étonnant qu’elle apparaisse dans un monde comme le nôtre où la technologie a accéléré à ce point le mode de vie, où la performance a pris à ce point d’importance, où les parents sont si pressés et où les enfants sont laissés si tôt à la garderie. Dans ce contexte, ne pourrions-nous pas dire que les maladies mentales sont les signes des sociétés malades? On pourrait même se demander si les dépressifs, qui n’entrent pas dans ce rythme-là, ne font pas preuve d’un réflexe de santé que nous avons perdu. »

 

Lorsqu’il est question de performance, la tendance première peut alors être de mettre la lourdeur de la tâche scolaire et des exigences de la nouvelle vie de famille au banc des accusés. Pourtant, de part et d’autre, la réaction des intervenants se veut beaucoup plus nuancée que celle des éditorialistes de nos médias. Les professeurs, par exemple, protestent lorsque l’on critique la charge de travail de l’étudiant qui, selon eux, ne s’alourdit pas, bien au contraire. Cependant, l’école, tout comme la garderie et les CPE, par leur nature même, ne peuvent pas être conçus comme des lieux basés sur l’amour inconditionnel mais bien sur la réussite, non seulement en ce qui concerne le rendement scolaire, mais aussi la découverte des pairs et de l’autonomie.

 

De plus, comme le constate monsieur Desrochers, par l’entremise de cette socialisation, les enfants sont confrontés aux rapides bouleversements sociaux encore plus brutalement que ne l’étaient leurs parents. Il s’étonne du nombre de préadolescents qui appellent le centre pour raconter leurs soucis de ne pas être prêts à assumer la réalité des « adultes » : « Ils voient Loft Story et entendent parler leurs copains. Ils essaient de se conformer à tout cela sans se rendre compte que ce n’est pas nécessairement de leur âge ». Ainsi, des enfants de 11-12 ans appellent, à la recherche d’une oreille attentive à qui révéler leur pudeur par rapport à la sexualité à partenaires multiples ou leur angoisse de performance dans la vie intime. Les premières expériences de la vie, déjà angoissantes parce qu’elles sont les premières, s’y succèdent donc à la vitesse de l’éclair.

 

Faire son deuil de l’enfant idéal

Selon quelques chercheurs, cette angoisse de la perfection trouve déjà son origine dans le foyer familial. Ils appuient leur réflexion sur le fait que les parents d’aujourd’hui choisissent non seulement leur partenaire, mais aussi le moment et le nombre – souvent très peu élevé – d’enfants qu’ils désirent, de manière à leur éviter toutes les souffrances qu’ils ont pu, eux, connaître . Michelle Lambin, travailleuse sociale qui œuvre auprès de Revivre et de Jeunesse, sent également la tendance de plusieurs parents à vouloir surprotéger leur chéri : « Ils essaient de tout faire pour lui éviter des épreuves, mais lorsqu’un enfant qui s’est toujours fait protéger doit se confronter à une épreuve tout seul, où ses parents ne peuvent plus intervenir, comme au moment de la première peine d’amour, que peut-il faire? » Monsieur Desrochers reconnaît d’ailleurs que la peine d’amour des jeunes enfants est une source très fréquente d’angoisse : « Ils vivent une réalité d’enfants très vieux, mais l’esprit ne suit pas. Ils sont très jeunes à l’intérieur. »

 

Cette « atmosphère contrôlée » pourrait, elle aussi, porter la famille à percevoir la réussite de l’enfant non seulement comme un accomplissement mais comme une autre forme de leur propre performance. Selon les données de Revivre, les troubles bipolaires (autrefois nommés maniaco-dépression) surviendraient davantage dans les milieux plus aisés. Des attentes très élevées peuvent alors pousser certains enfants à faire abstraction de leurs désirs les plus naturels de retrait et de repos pour satisfaire les désirs de ceux qui organisent leur vie.

 

Les spécialistes notent d’ailleurs une difficulté des enfants dépressifs à se laisser aller au plaisir, à avoir l’impression qu’ils le « méritent » . La peur de ne pas être à la hauteur et de perdre le contrôle inhibe alors le plaisir que l’on imagine si spontané pour les jeunes enfants. Inversement, monsieur Provost prévient qu’il est inutile de chercher à tout prix à « prévenir » la dépression, ce qui pourrait provoquer de forts sentiments de déni ou, le cas échéant, d’échec.

 

Accompagner l’enfant

Parallèlement aux appels angoissés de sa jeune clientèle, monsieur Desrochers reçoit également des appels de parents. Il leur propose un soutien dans l’accompagnement de leur enfant et veut les avertir de ne pas agir à la place de l’enfant ou encore de renoncer en concluant trop rapidement à la « normalité » de la détresse. Cette « normalité souffrante » que le parent peut aider l’enfant à supporter comprend aussi les cas où les causes de la détresse semblent tout à fait justifiées. Il est courant, en effet, que des enfants souffrant de plusieurs handicaps ou d’une maladie chronique développent des comportements dépressifs qui passent inaperçus en raison de la gravité des autres souffrances. Mais faut-il à tout prix diagnostiquer la maladie pour entamer un dialogue? « Que le problème de l’enfant soit diagnostiqué ou pas, il s’agit avant tout d’une personne qui souffre », précise monsieur Sansoucis.

 

Néanmoins, la reconnaissance de la maladie peut mettre fin aux tentatives répétées des parents de se comparer et de gérer leur vie familiale simplement en durcissant les règles, comme cela semble fonctionner dans leur entourage, afin de rétablir leur situation. Dans les cas de crise dépressive, une telle attitude n’arriverait souvent qu’à renforcer l’état de découragement. Reconnaître alors un état dépressif et la nécessité d’une aide extérieure peut être à la fois un deuil et un soulagement qui peut aider à trouver une issue à l’incompréhension mutuelle. Pourtant, cette décision en suppose bien d’autres, comme celle d’assumer les préjugés qui accompagnent la maladie, de se confronter à la déception de ne pas être parvenu à régler la situation par soi-même. Elle peut aussi provoquer un fort questionnement chez le jeune qui connaît encore mal ses forces et doit se demander si son équilibre dépendra de quelques psychotropes pour le reste de sa vie. Selon les diverses sources, cependant, une dépression infantile traitée tôt a beaucoup plus de chances de guérison complète et un enfant traité a environ 50 % de chance de ne pas connaître d’épisode de rechute.

 

Par ailleurs, même s’il ne travaille qu’avec une équipe d’intervenants ayant au moins des études de premier cycle universitaire dans un domaine connexe à la relation d’aide, Monsieur Desrochers, insiste sur l’importance d’utiliser une approche qu’il qualifie lui-même de « non professionnelle » pour valoriser au maximum les forces de l’enfant : « Les jeunes qui appellent se sentent souvent bons à rien et doutent de leur jugement. Leurs sentiments sont déjà confus. Comment pourrais-je prétendre les aider à se valoriser si moi aussi je choisis à leur place, après quelques minutes, ce qui est bon pour eux? Ils doivent trouver les réponses en eux, à leur rythme. »

 

Un des principaux soutiens qu’apporte le centre est alors de redonner aux jeunes et à leurs proches confiance en leur capacité de s’aider entre eux, de dépasser les stratégies d’évitement et de les outiller pour le faire. Monsieur Desrochers insiste également sur la nécessité, de la part des parents, de préserver régulièrement des temps de discussion avec l’enfant. Dans le cas de l’enfant dépressif, certains auteurs suggèrent qu’une telle attitude pourrait permettre de rétablir la confiance entre les périodes de crise. Cette proximité, malgré les conflits, montre également à l’enfant que les adultes sont également confrontés à des difficultés qu’ils doivent dépasser.

 

Lorsqu’une activité semble, de prime abord, trop imposante à l’enfant, certains spécialistes proposent aussi de chercher à la décomposer pour la réaliser petit à petit, en évitant les sentiments de culpabilité. L’introduction d’activités plus physiques contribuerait même au rétablissement des facteurs physiologiques de la dépression en stimulant la sécrétion d’hormones réduisant l’anxiété et augmentant la disponibilité au plaisir. De telles tentatives enseignent également qu’il n’est pas nécessaire d’attendre des conditions parfaites pour que le plaisir ou le simple bien-être demeure possible.

 

Conclusion

L’enfant parviendra alors plus aisément à reprendre le contrôle sur sa vie, sa confiance en lui ainsi qu’en sa faculté de connaître ce qui lui fait du bien. La discussion permettra également au parent de fragiliser graduellement les schèmes de pensée pessimistes que s’est construits l’enfant.

 

Ainsi, dans un monde où la réalité de l’âge adulte survient toujours plus tôt, il sera possible à quelques jeunes esprits d’apprendre à se ménager du temps pour vivre leur enfance…

 

Quelques ressources :

Livres (tous offerts dans le réseau des bibliothèques municipales de Montréal) :

Stéphane CLERGET, Ne sois pas triste mon enfant. Comprendre et soigner la dépression au cours des premières années de la vie, Paris, éd. Robert Laffont, coll. Réponses, 1999, 200 p.

Pierre FERRARI, Comment vivre avec un enfant déprimé, Paris, éd. Josette Lyon, 2001, 191 p.

André GAGNON et collaborateurs, Démystifier les maladies mentales. Les troubles de l’enfance et de l’adolescence, Boucherville, éd. Gaëtan Morin, 2001, 427 p.

Danièle LEGRAIN et Paul MESSERSCHMITT, L’Enfant déprimé, Paris, éd. Fayard, 2000, 336 p.

Luis VÉRA, Mon enfant est triste. Comprendre l’enfant déprimé, Paris, éd. Odile Jacob, 2001, 262 p.

 

Organismes de références :
Jeunesse j’écoute : 1 800 668-6868;
assistance parents : 1 888 603-9100;
www.jeunessejecoute.ca

Revivre : (514) 738-4873;
www.programmejeunesse@revivre.org,
www.revivre.org

 

Organismes de soutien :
Association québécoise des parents et amis du malade mental :
(514) 524-7131 (Montréal);
(450) 677-5697 (Rive-Sud)