Contrer la violence à l’école

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Date de publication

mardi 01 février, 2005

Ressource

Pierrette Trudel

La violence, qu’elle s’exprime dans le milieu familial, à l’école ou dans la rue, a des conséquences dramatiques pour la victime et pour l’agresseur. Le climat dans lequel évolue l’enfant (l’élève) influence fortement son développement psychologique et parfois même son développement physique. Les conditions de vie de tout individu dépendent, en très large partie, du climat dans lequel il vit et de la somme de stress que ce climat génère. Deux des plus grands facteurs de stress chez l’enfant (l’élève) sont les autres enfants (leurs remarques, la peur de ne pas être accepté, la peur d’être ridiculisé, de se faire agresser verbalement ou physiquement), puis la façon dont les adultes vont intervenir lorsqu’il sera pris en faute.

 

Les enfants victimes d’agression ont peur et n’osent pas dénoncer les agresseurs. Plusieurs d’entre eux en arrivent à fuguer et à manquer des cours, la réussite scolaire ne faisant plus partie de leurs priorités, toutes leurs énergies étant mobilisées pour assurer leur survie. Ces enfants (qui sont trop peu enfants) en viennent parfois à exprimer leur colère envers une société qui a failli à son devoir en les ayant si peu protégés. L’agression devient alors une réponse à l’impuissance, au mépris et au rejet auxquels ils font face.

 

Même si on retrouve dans les écoles de quartiers défavorisés un plus haut taux d’agressions, les manifestations de violence ne connaissent aucune frontière. La violence est un problème qui nous affecte tous et dont nous sommes tous responsables.

 

Contrer la violence en établissant une relation vraie et solide

L’éducation aide à combattre la violence. Tout comme le milieu familial, l’école doit être un lieu où les jeunes apprennent à développer leur tolérance, à communiquer et à gérer leurs frustrations.

 

Tout intervenant auprès d’un enfant doit s’engager dans une relation personnelle avec ce dernier. En associant affection, écoute et fermeté, l’adulte rend possible chez l’enfant une identification qui lui permettra de devenir autonome et responsable. L’enfant pourra ainsi apprendre à fonctionner en groupe, à prendre soin de lui-même et des autres et… à réagir contre la violence faite à d’autres enfants. Nous nous faisons une idée de ce que nous valons par l’amour et l’estime que nous recevons des autres.

 

Un enfant qui se sent autorisé à être lui-même, qui se sent compris, respecté et soutenu, est un enfant qui grandit dans tous les sens du terme. La relation fait appel au senti et non à des techniques.

 

Intervenir dans le respect de l’enfant

Nous pouvons formuler des reproches à un enfant tout en lui témoignant notre estime et notre affection. Ce qui compte, ce n’est pas tant le geste posé mais les raisons pour lesquelles l’enfant l’a posé. L’autorité ne peut être qu’associée étroitement au respect.

 

Notre mission n’est pas de régler les problèmes des jeunes mais bien de les accompagner dans leur recherche de leurs solutions. L’objectif, c’est de trouver une sortie où personne ne se sentira humilié. Ce n’est pas vers un surcroît de contrôle et de discipline qu’il faut s’orienter mais vers un développement de méthodes de résolution de conflits en classe qui contribuent à créer un climat pacifique à l’école.

 

L’école peut aider les élèves à prendre conscience de leurs gestes agressifs en les amenant à cerner les motifs de leurs actes, les conséquences de ces derniers pour eux-mêmes et pour les autres, en les aidant à trouver des moyens pour mieux réagir aux situations conflictuelles. L’espoir et l’assurance que l’enfant saura relever les défis auxquels il est confronté doivent toujours être présents dans nos attitudes et dans nos interventions.

 

Légitimer les règles de conduite

Ce n’est pas l’observation du règlement pour lui-même qui importe, mais la compréhension que l’élève a du règlement. Pour se conformer aux règles de vie, les enfants doivent en cerner la pertinence.

 

Les règles de conduite sont plus facilement acceptées si elles baignent dans une relation chaude et bienveillante sans pour autant tomber dans la mollesse. S’il est certain d’être respecté et soutenu, l’enfant reconnaîtra ses torts et s’engagera dans une démarche de réparation. Reconnaître ses torts, c’est demeurer quelqu’un de solide, de respectable, quelqu’un de profondément humain.

 

Pour contrer la violence, tout adulte doit :

  • lutter contre la misère économique et sociale;
  • adhérer à des valeurs pacifiques;
  • apprivoiser les différences;
  • distinguer autoritarisme et autorité;
  • accepter de se remettre en question;
  • travailler à instaurer un climat de respect mutuel;
  • préserver la dignité des individus (enfants et adultes) qu’il côtoie;
  • poser clairement ses exigences;
  • exiger des enfants ni trop, ni trop peu;
  • briser l’isolement et la solitude lorsqu’il en est témoin;
  • prendre plaisir à éduquer, à scolariser et à encadrer les enfants lui sont confiés.

 

Pour devenir un citoyen responsable et engagé dans son milieu, tout enfant doit pouvoir, entre autres :

  • grandir dans un milieu qui comble ses besoins physiques et psychologiques;
  • croire qu’il peut y arriver;
  • pouvoir faire confiance aux adultes qui l’entourent;
  • apprivoiser la peur de la solitude qui l’habite;
  • affronter l’angoisse de l’avenir en étant guidé et soutenu;
  • pouvoir obtenir des réponses satisfaisantes aux questions qu’il se pose;
  • accéder à un monde scolaire riche et stimulant;
  • grandir dans un milieu scolaire qui favorise des attitudes d’entraide plutôt que de compétition;
  • avoir accès à des programmes de soutien lorsqu’il est victime de violence;
  • diminuer la pression sur ses épaules (doser ses attentes de performances tant scolaires que comportementales);
  • avoir accès à un nombre d’heures accru d’activités physiques.

 

À l’école, les membres du personnel en éducation devraient avoir accès à des formations leur permettant de faire face aux élèves qui expriment leur souffrance de façon criante (violente) et d’intervenir efficacement auprès des enfants victimes d’actes de violence. Le personnel (enseignants, professionnels, membres des services de garde et du midi) doit aussi être en nombre suffisant pour répondre aux besoins du milieu qu’il dessert.

 

Le directeur de l’école est largement responsable du climat qui règne dans son école. Il a un rôle majeur à jouer, en tant que premier responsable du soutien et de l’encadrement des intervenants (enseignants, professionnels, personnel de soutien) qui sont sous sa responsabilité. Les adultes travaillant en milieu scolaire doivent concerter leurs actions, partager leur savoir et leur expertise et se soutenir mutuellement pour contrer efficacement la violence à l’école.

 

Moraliser et condamner ne font qu’augmenter le ressentiment chez l’enfant. L’enfant qui s’isole se protège contre sa dévalorisation et son manque de confiance en lui. Qu’il s’agisse d’un enfant dont les parents sont incapables d’assumer leurs responsabilités, d’un enfant dont les parents sont embourbés dans leurs propres conflits, d’un enfant rejeté par ses pairs, d’un enfant en échec scolaire, tout enfant a le droit d’être protégé, estimé, aimé et scolarisé.

 

Prochain article : Une enseignante en difficulté : dès les premiers instants avec mon groupe, cette année-là, j’ai réalisé l’étendue des besoins de mes élèves sans vraiment soupçonner tout l’impact que ces enfants, lourdement perturbés, auraient sur moi.


Pierrette Trudel est enseignante à l’école Laurentide de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys.