L’humour chez les enfants, expliqué aux parents...

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Date de publication

mardi 01 avril, 2003

Ressource

Steve Proulx

Il est tout petit. Ses grands yeux curieux vous fixent. Une communication est établie entre vous et ce petit être qui vient de naître. Et soudainement, après quelques chatouillements stratégiques, il se met à rire. Votre coeur palpite, était-ce vraiment un rire ? Vous recommencez vos guili-guili en y mettant, cette fois-ci, plus d’ardeur. Le bébé rit à gorge déployée. Cette fois-ci plus de doute : le rire est né sous vos yeux...

 

Qu’est-ce qui fait rire les enfants ?

De nombreux livres très sérieux sont consacrés à l’humour chez l’enfant. On cherche à savoir comment se fabrique le rire, qu’est-ce qui fait rire les enfants ou pourquoi l’homme rit, alors que les autres animaux n’ont pas cette faculté...

 

L’humour de l’enfant n’est pas le même que celui de l’adulte. Par exemple, un enfant peut regarder des dizaines de fois le même film de Disney, et toujours trouver le même personnage cabotin complètement hilarant lorsqu’il fait ses pitreries... Pourquoi? Il s’agirait d’un phénomène très normal : l’enfant prévoit l’arrivée d’un gag et c’est cette surprise pressentie qui le fait rire, encore et encore... Si, chez l’adulte, l’effet de surprise (le punch) est une condition essentielle au bon fonctionnement d’un gag, c’est l’inverse chez l’enfant. Celui-ci n’apprécie pas particulièrement être surpris, il préfère des terrains connus où les moments d’hilarité sont prévus et compris à l’avance. Heureusement, le sens de l’humour s’aiguise avec l’âge...

 

B.A.- BA de l’humour enfantin

À chaque étape de sa vie, l’enfant ne rit pas pour les mêmes raisons. Voici les grandes étapes dans le développement du sens de l’humour chez l’enfant.

 

La naissance du sourire

Les premiers sourires apparaissent dès la naissance de l’enfant, mais ne doivent en aucun cas être reliés à un quelconque phénomène ludique qui se trouverait dans l’environnement de l’enfant. On parle ici d’un simple relèvement de la lèvre supérieure, phénomène qui est aussi observé chez les adultes pendant le sommeil.

 

Vers l’âge de 6 semaines, l’enfant sourit devant un visage humain (comme celui de ses parents). À 4 mois, il peut rire à cause des petits chatouillements qu’on lui prodigue. Le rire, vers l’âge de 6 mois, est un signe évident de l’enfant qui cherche à socialiser avec son entourage. Vers 8 mois, les jeux tels que « Coucou, c’est moi » sont à prescrire afin de provoquer l’hilarité.

 

Il faut attendre l’âge d’un an pour qu’un comportement inattendu d’un parent (comme marcher à quatre pattes) fasse rire l’enfant. C’est peut-être à ce moment qu’on peut parler d’une forme véritable de préhumour. À cet âge, l’enfant peut non seulement saisir quelques formes primitives d’humour, mais s’exerce aussi à faire rire son entourage : il tousse pour attirer l’attention, il fait des grimaces, il imite... C’est une façon pour l’enfant d’avoir le contrôle sur certaines situations. L’enfant prend son destin en main lorsqu’il joue des tours à ses proches...

 

Et l’humour fut !

À l’âge de 3 ans, l’enfant sait clairement faire la différence entre la vérité et la fiction. Il aime l’humour visuel et il entre aussi dans une intense période scatologique. Les histoires mettant en scène du pipi et du caca provoqueront son hilarité, à tout coup ! L’absurde et l’inattendu font rire l’enfant. Pour saisir l’humour d’une situation, l’enfant doit comprendre que celle-ci ne correspond pas à l’information qu’il connaît déjà. L’enfant doit donc posséder un certain bagage de connaissances pour comprendre les incongruités d’une situation. Si l’incongruité ne peut être rattachée à aucune situation connue, l’humour risque fort de ne pas fonctionner. C’est la raison pour laquelle les émissions pour enfants tournent autour de situations qui sont à la portée des enfants, qui peuvent faire partie de leur quotidien. En d’autres mots, une histoire de pêche ne fera pas rire un enfant de trois ans si celui-ci n’a pas été informé, au préalable, que pêcher un poisson de douze mètres dans un lac d’eau douce est impossible...

 

Du pipi-caca à l’ironie

Vers l’âge de huit ans, l’humour se raffine. L’enfant commence à comprendre l’absurde, et aime les gags à la Mr. Bean. Mais toutes les formes d’humour ne sont pas encore à sa portée. Une récente étude de l’Université de Calgary, portant sur l’ironie comme forme d’humour, a démontré qu’à l’âge de huit ans, les enfants comprennent l’ironie, mais très peu trouvent cette forme d’humour particulièrement drôle. Ce n’est que vers l’âge de 10-11 ans que les jeunes commencent à percevoir les sarcasmes et l’ironie comme une forme d’humour... drôle ! Quant à l’adolescent, s’il apprécie toutes les facettes de l’humour, il ne supporte toujours pas que le sujet du rire soit sa petite personne...

 

Le rire dans le développement de l’enfant

Les multiples facettes de l’humour et du rire en font un sujet d’étude fort complexe. Mais une chose est sûre : le rire et l’humour sont tous deux des éléments importants dans le développement de l’enfant. Lorsqu’un bébé sourit, il remarque les effets que son sourire provoque sur ses parents et son entourage. N’étant pas encore doté de la parole, le sourire est une des premières formes de communication où l’enfant peut dire à ses parents : « J’aime ta présence ! ». L’évolution du sourire, chez l’homme, vient probablement d’un comportement visant à calmer les tensions entre deux individus. Chez nos cousins les primates, lorsque le chimpanzé retrousse les lèvres et montre les dents, c’est souvent un signe de peur. Chez l’homme, le sourire a évolué pour devenir un signe de respect et de bienvenue, mais tire probablement ses origines d’un lointain comportement : les premiers hommes souriaient pour signifier leur soumission devant l’autre et leur désir de ne pas provoquer d’affrontements...

 

Dans un excellent ouvrage de Paule Aimard, Les bébés de l’humour (1988), l’auteure pointe plusieurs raisons qui expliquent l’utilité de l’humour dans le développement de l’enfant. Ainsi, on y apprend que l’humour est, pour l’enfant, une façon de « renforcer l’idée de soi, son pouvoir, son territoire, d’attirer l’attention, de recueillir des compliments ». Par exemple, c’est grâce à l’humour que l’enfant va découvrir les règles qu’il ne doit pas transgresser. Un enfant peut se moquer de son parent, mais s’il dépasse les bornes, il se fera réprimander... Dans cette situation, l’enfant évalue son rôle vis-à-vis de ses proches. Aussi, Paule Aimard affirme que l’humour est régulateur : il contribue à préciser et à garder l’équilibre entre l’enfant et ses proches. L’humour est aussi gestionnaire : il permet à l’enfant de négocier des situations difficiles, en les abordant à travers un filtre d’humour. Une faculté, d’ailleurs, qui se peaufine avec le temps. Qui n’a pas déjà dédramatisé une situation avec quelques mots d’esprit bien placés ?

 

L’humour, et ses multiples visages, sont un élément important dans le développement de l’enfant. L’encourager, le provoquer et entretenir un climat d’humour dans le cercle familial contribuent à aider l’enfant à se reconnaître, à développer son langage et à développer des habiletés d’auto-censure. Si les mots d’esprit de nos petits n’ont pas toujours le raffinement qu’on souhaiterait, ils ont quand même un grand rôle à jouer dans le développement de l’enfant. Rire, c’est grandir !